Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 12, 1838.djvu/95

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tout aussi bien qu’à la plus grande partie du peuple anglais, qui craignait de plus grandes innovations et de nouveaux attentats sur leurs droits et leur liberté de la part d’un prince licencieux et despote. Dans ce brillant appareil, monté sur un superbe coursier, vêtu d’un habit de soie cramoisie brodé en or, portant un faucon sur le poing, et la tête couverte d’un riche bonnet en fourrures, orné d’un cercle de pierres précieuses, d’où s’échappaient ses longs cheveux bouclés qui descendaient sur ses épaules, le prince Jean s’avançait en caracolant dans la lice, à la tête de son joyeux cortège, riant à haute voix, et regardant avec la hardiesse d’un roi les différentes beautés qui étalaient leurs charmes dans les galeries supérieures.

Ceux qui remarquaient dans la contenance du prince une audace dissolue mêlée à une extrême hauteur et à une indifférence égale pour l’opinion des autres ne pouvaient cependant refuser à ce monarque une sorte de noblesse qui est le propre d’une physionomie ouverte, favorisée par la nature, façonnée par l’usage aux règles de la courtoisie, mais non assez toutefois pour cacher entièrement la profonde dépravation et les vils penchants du cœur de ce prince. Une pareille expression est souvent prise pour une mâle franchise, lorsqu’en réalité elle ne provient que de l’indifférence mal cachée d’une disposition dépravée qui repose sur la supériorité de la naissance, de la richesse, ou de tous autres avantages complètement séparés du mérite personnel. Quant à ceux qui n’examinaient pas les choses d’aussi près, et l’on en pouvait compter un sur cent, la riche palatine du prince Jean et son manteau doublé de zibeline la plus riche, ses bottes de maroquin et ses éperons d’or, tout cela, joint à la grâce avec laquelle il gouvernait son palefroi, suffisait pour lui mériter leurs bruyantes clameurs et leurs joyeux applaudissements.

En caracolant gaiment autour de la lice, l’attention du prince fut attirée par le tumulte non encore apaisé et qu’avait excité l’ambitieux mouvement d’Isaac vers les galeries supérieures. Le vif regard du prince Jean reconnut aussitôt le Juif ; mais il fut éveillé plus agréablement encore par la belle et jeune vierge de Sion, qui, effrayée du bruit, serrait étroitement le bras de son vieux père.

Aux yeux d’un connaisseur comme le prince Jean, la figure de Rébecca pouvait être comparée aux beautés les plus fières de la Grande-Bretagne. Sa taille exquise et divinement proportionnée était relevée encore par une sorte de costume oriental qu’elle por-