Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 13, 1838.djvu/8

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dérable. Là furent autrefois les crofts ou terres labourables du village. Le tout se réduit maintenant à une seule cabane, demeure des pêcheurs qui, en outre, font le service d’un bateau à passer. Les chaumières, et même l’église qui existaient là autrefois, se sont anéanties, ne laissant que des vestiges que l’on peut à peine distinguer sans visiter le lieu même, car les habitants se sont graduellement retirés dans la ville plus florissante de Galaschiels, qui s’est élevée et agrandie à deux milles de leur pays natal. Toutefois, la vieillesse superstitieuse a peuplé les bosquets abandonnés d’êtres aériens pour remplacer les habitants mortels qui les ont délaissés. Le cimetière ruiné et abandonné de Boldside a long-temps été tenu pour être hanté par les fées ; et le large et profond courant de la Tweed, tournoyant à la lueur de la lune autour de la base du rivage escarpé, avec les arbres plantés autrefois pour répandre de l’abri autour des champs des cultivateurs, mais qui aujourd’hui semblent des bosquets détachés et épars, représente à l’imagination une scène telle que celle où Oberon et la reine Mab aimeraient à se livrer à leurs fêtes. Il est des soirs où le spectateur pourrait croire avec le vieux Chaucer que :

La reine de la féerie,
En main la harpe et le hautbois,
Confie à l’écho de ces bois
Sa mystérieuse harmonie.

Un autre rendez-vous de lutins de cette race, et même de plus familiers encore, si l’on en croit la tradition, c’est le vallon où coule la rivière, ou, pour mieux dire, le ruisseau nommé Alley, qui vient du nord se décharger dans la Tweed, à un quart de mille au-dessus du pont actuel. Comme le ruisseau passe derrière la maison de chasse de lord Sormerville, appelée le Pavillon, la vallée a reçu le nom populaire de Fairy Dean, ou plutôt le Dean-sans-Nom, à cause de la mauvaise fortune attachée, par la croyance populaire d’autrefois, à tout indiscret qui aurait nommé ou désigné par allusion cette race que nos ancêtres appelaient bons Voisins, et que les montagnards nommaient Daoine Skie ou hommes de paix. C’était là plutôt l’expression d’un compliment, que de toute idée spéciale d’amitié ou de relations pacifiques existantes entre les montagnards ou les gens des frontières, et les êtres irritables qu’ils qualifiaient ainsi, et auxquels ils ne pouvaient supposer de bonnes dispositions envers l’humanité.