Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 15, 1838.djvu/10

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phèmes qu’il lançait contre Dieu, après avoir déclaré à une personne marquante et digne de foi, qui l’a ensuite raconté à d’autres, que tous les démons de l’enfer, déjà de son vivant, le déchiraient en mille pièces. Forster, à son tour, homme auparavant porté à la sociabilité, au commerce du monde, à la joie et aux chants, y renonça tout-à-coup après cet événement tragique, devint triste et rêveur, quelques-uns disent fou, et s’éteignit dans les tourments. La femme de Bald Butler, parente du comte, révéla de même le forfait un peu avant qu’elle rendît le dernier soupir.

Il ne faut pas non plus oublier, 1° que dès que la comtesse fut privée de vie, ses meurtriers se hâtèrent de l’enterrer avant que le magistrat, appelé le coroner, eût dressé son procès-verbal d’enquête, ce que le comte lui-même blâma comme trop précipité ; 2° que le père de la victime, sir John Robertsett, je suppose, ayant appris la mort de sa fille, accourut aussitôt sur le lieu du décès, fit exhumer le corps, appela le coroner ou officier public, et se livra aux recherches les plus approfondies sur cette horrible affaire. Mais on pensa généralement que le comte avait fermé la bouche à son beau-père, et que tout s’était arrangé entre eux à l’amiable. D’un autre côté, le comte, pour manifester publiquement le vif amour que soi-disant il portait à son épouse, et tout le chagrin qu’il ressentait de la perte d’une femme aussi vertueuse, ordonna que son corps fût réinhumé avec la plus grande pompe dans l’église Sainte-Marie à Oxford, et de cette manière il força les principaux membres de l’université de cette ville à modifier leur opinion sur le genre de mort de la comtesse. On ajoute que le docteur Babington, chapelain du comte, lorsqu’il prononça l’oraison funèbre de la défunte, se méprit une ou deux fois dans son discours, en recommandant à la mémoire des fidèles cette vertueuse lady, assassinée, déclarait-il, au lieu de dire tuée, d’une manière si déplorable. Le comte de Leicesler, après tous ses meurtres et empoisonnements, fut lui-même empoisonné en 1588, avec une dose préparée pour d’autres ; quelques-uns prétendent que ce fut par sa femme (sans doute la seconde) à Cornbury Lodge, quoique Baker, dans sa chronique, cite Killingworth. Le comte avait, dit-on, remis une bouteille de liqueur à son épouse en l’invitant à en boire chaque fois qu’elle éprouverait quelque défaillance ; mais elle, dit-on encore, ne sachant pas que ce fût du poison, en donna au comte un jour qu’il revenait de la cour, et il en mourut, suivant le rapport de Ben Johnson, à Drummond de Hawthornden.