Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 15, 1838.djvu/145

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vice de son maître. Au surplus, le diable a emporté notre homme fort à propos ; car un constable du canton est venu ici ce matin chercher le vieux Gaffer Pinniewinks, le grand juge des sorcières, afin d’aller avec lui dans la vallée de White-Horse, pour arrêter ce Wayland et le mettre à la question. J’ai aidé moi-même Pinniewinks à aiguiser ses pinces et son poinçon, et j’ai vu le mandat d’arrêt du juge Blindas.

— Bah ! bah ! le diable se moque bien de blindas et de son mandat, du constable et du chercheur de sorcières, » dit la vieille Cranck, blanchisseuse papiste. « La chair de Wayland ne sentira pas plus le poinçon de Pinniewinks qu’une fraise de batiste ne sent la pointe d’un fer à repasser. Mais dites-moi, mes braves gens, si ce diable a eu jamais assez de pouvoir pour enlever vos maréchaux et vos savants, lorsque les bons abbés d’Abingdon possédaient leurs biens ? Par Notre-Dame ! non ! Ils avaient leurs cierges, leur eau bénite et leurs reliques, enfin tout ce qu’il faut pour chasser les plus mauvais démons. Dites à vos pasteurs hérétiques d’en faire autant… Mais les nôtres étaient des hommes à ressources.

— C’est très vrai, dame Cranck, dit le palefrenier. Ainsi parlait Simpkins de Simonburn quand le curé cajolait sa femme. « Ce sont des hommes à ressources, » disait-il.

— Tais-toi, mauvaise langue ; il sied bien à un palefrenier, à un hérétique de ton espèce, de parler ainsi des prêtres catholiques.

— En vérité, non, répondit l’homme du râtelier ; et comme vous-même ne valez guère maintenant qu’ils s’occupent de vous, qu’ils s’en soient ou non occupés dans vos beaux jours, je crois que ce que nous avons de mieux à faire est de les laisser là. »

À cette dernière riposte, dame Cranck pensa étouffer de colère, et commença une horrible imprécation contre Jack. Tressilian et son compagnon de voyage profitèrent du tumulte pour se retirer dans la maison.

Ils ne furent pas plus tôt entrés dans une chambre particulière, où le bonhomme Crane lui-même s’était empressé de les introduire, que Wayland Smith profita, pour donner carrière à son amour-propre, du moment où le digne et complaisant hôte était sorti pour aller leur chercher du vin et quelques restaurants.

« Vous voyez, monsieur, dit-il, que je ne vous ai pas fait un conte en vous assurant que je connaissais à fond le grand art du forgeron ou du maréchal, ainsi que l’appellent les Français pour l’honorer. Ces chiens de palefreniers qui, après nous, sont les meilleurs