Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 15, 1838.djvu/239

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plus la confrérie entière des Rose-Croix. Nul n’a approfondi le mystère que toi. Mais écoute, je te prie, si l’assaisonnement avec lequel a été épicé le bouillon de Sussex eût eu un plus sûr effet, j’aurais eu une meilleure idée des connaissances chimiques dont tu te vantes.

— Tu es un scélérat endurci, Varney, répondit Alasco ; bien des gens font des choses dont ils n’osent point parler.

— Et bien des gens parlent de choses qu’ils n’osent point faire, reprit Varney. Mais ne t’emporte pas ; je ne veux point te chercher chicane… Si je le faisais, je serais obligé de ne vivre que d’œufs pendant un mois, afin de pouvoir manger sans crainte. Mais dis-moi comment ton art t’a failli en une si importante occasion.

— L’horoscope du comte de Sussex annonce que le signe de l’ascendant étant en combustion…

— Laisse là tes billevesées ; crois-tu avoir affaire au patron ?

— Je vous demande pardon, reprit le vieillard ; mais je vous jure que je ne connais qu’un seul médicament qui ait pu sauver la vie du comte ; et comme nul homme vivant en Angleterre ne connaît cet antidote, excepté moi, et que de plus les ingrédients, l’un d’eux surtout, sont presque impossibles à trouver, je dois supposer qu’il a dû son salut à une constitution des poumons et des parties vitales, telle que n’en contint jamais corps pétri d’argile.

— On a parlé d’un charlatan qui l’a visité, » dit Varney après un moment de réflexion ; « es-tu sûr qu’il n’y ait personne en Angleterre qui possède ton secret ?

— Il y avait un homme, dit le docteur, qui fut autrefois mon domestique, et qui aurait pu me dérober ce secret avec deux ou trois autres. Mais rassurez-vous, monsieur Varney ; il n’entre pas dans ma politique de souffrir que de tels drôles se mêlent de mon métier. Il ne s’immiscera plus dans les mystères, je vous en réponds ; car j’ai lieu de croire qu’il a été enlevé au ciel sur les ailes d’un dragon de feu… La paix soit avec lui !… Mais dans ma nouvelle retraite, aurai-je l’usage de mon laboratoire ?

— Tu auras tout un atelier, dit Varney ; car un révérend père abbé qui fut obligé de céder la place au gros roi Hal[1] et à ses courtisans, il y a une vingtaine d’années, avait un laboratoire de chimiste complet, qu’il fut contraint de laisser à ses successeurs. Là tu pourras t’occuper à ton aise, fondre, souffler, faire de la flamme et multiplier jusqu’à ce que le dragon vert devienne une oie d’or,

  1. Henri VIII. a. m.