Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 15, 1838.djvu/289

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de ce soir m’a déterminée à lui parler. Il vous attend en ce moment même à la porte de derrière du parc, avec tout ce qui peut faciliter votre fuite. Mais vous sentez-vous assez de force de corps, assez de courage pour tenter l’entreprise ?

— Celle qui fuit la mort trouve la force du corps ; la force d’âme ne peut pas manquer à celle qui veut échapper à la honte. La pensée de laisser derrière moi le scélérat qui menace à la fois ma vie et mon honneur, me donnera la force de me lever de mon lit de mort.

— Alors, milady, sans plus tarder, je dois vous dire adieu, et vous remettre à la garde du Tout-Puissant.

— Ne veux-tu donc pas fuir avec moi, Jeannette ? dit la comtesse alarmée. Dois-je te perdre ? Est-ce ainsi que tu me sers fidèlement ?

— Madame, je fuirais avec vous d’aussi bon cœur que jamais oiseau a fui de sa cage, mais alors on ne tarderait pas à tout découvrir et à se mettre à votre poursuite. Il faut que je reste et que je m’emploie à déguiser la vérité le plus long-temps possible. Puisse le ciel me pardonner cette supercherie en considération de la nécessité !

— Il faudra donc que je voyage seule avec cet étranger, dit la comtesse. Pensez-y, Jeannette, ne serait-ce pas quelque nouveau projet plus noir et mieux combiné dont le but serait de me séparer de toi qui es mon unique amie ?

— Non, madame, ne le supposez pas, » répondit sur-le-champ Jeannette ; « ce jeune homme est sincère dans sa résolution de vous servir, et c’est un ami de M. Tressilian, d’après les instructions duquel il est venu ici.

— Si c’est un ami de Tressilian, je me confierai à sa garde comme à celle d’un ange envoyé du ciel ; car jamais mortel plus que Tressilian n’a été étranger à tout ce qui est bassesse, fausseté ou égoïsme. Il s’oubliait lui-même toutes les fois qu’il s’agissait de servir les autres. Hélas ! comment en a-t-il été récompensé ? »

Elles rassemblèrent à la hâte le peu d’objets qu’il fut jugé nécessaire que la comtesse emportât avec elle pour son usage. Jeannette en fit avec promptitude et dextérité un paquet, auquel elle n’oublia pas d’ajouter toutes les parures de quelque valeur qui leur tombaient sous la main, notamment un écrin qu’elle jugea sagement pouvoir lui devenir utile dans quelque moment d’embarras. La comtesse de Leicester changea ensuite ses vêtements pour ceux que Jeannette portait d’ordinaire lorsqu’elle faisait quelque court voyage,