Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 15, 1838.djvu/337

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sidérant aussi qu’elle était dans les murs de Kenilworth, et qu’il ne pouvait lui arriver de mal dans un château honoré du séjour de la reine, et plein de ses gardes et de ses serviteurs, il comprit qu’au total il risquerait de lui faire plus de mal que de bien en sollicitant malgré elle Élisabeth à s’intéresser en sa faveur. Toutefois il exprima à Amy sa résolution avec ménagement, incertain si son espoir de sortir de sa pénible position n’avait pas d’autre fondement que son aveugle attachement pour Varney, qu’il supposait être son séducteur.

« Amy, » dit-il en fixant son regard triste et expressif sur les yeux que, dans l’excès de sa perplexité, de sa frayeur et de son angoisse, elle levait vers lui ; « Amy, j’ai toujours remarqué que lorsque d’autres vous traitaient d’enfant et de fille volontaire, il y avait, sous cette apparence d’enfantillage et de folle obstination, une vive sensibilité et une raison profonde. Plein de cette conviction, je remets entre vos mains votre propre destinée pendant vingt-quatre heures, renonçant à toute intervention en paroles ou en actions.

— Me le promettez-vous ? dit la comtesse. Est-il possible que vous puissiez avoir encore autant de confiance ? Me promettez-vous, aussi vrai que vous êtes gentilhomme et homme d’honneur, de ne prendre aucune part à mes affaires ni en paroles ni en actions, quelque chose que vous voyiez ou entendiez qui semble rendre votre intervention nécessaire ?

— Je vous le promets, sur mon honneur, dit Tressilian ; mais ce délai expiré…

— Ce délai expiré, » ajouta-t-elle en l’interrompant, « vous serez libre de faire ce que vous suggérera votre prudence.

— N’est-il rien que je puisse faire pour vous, Amy ? dit Tressilian.

— Rien, dit-elle, que de me quitter ; c’est-à-dire, si… je rougis d’avouer mon abandon en vous le demandant… si vous pouvez me laisser pour vingt-quatre heures l’usage de cet appartement.

— Voilà qui est surprenant, dit Tressilian ; quel espoir, quel crédit pouvez-vous avoir dans un château où vous ne pouvez pas même disposer d’un appartement ?

— Ne cherchez pas à approfondir, mais laissez-moi. » Puis, comme il se retirait lentement et à regret : « Généreux Edmond, ajouta-t-elle, un temps viendra peut-être où Amy pourra te prouver qu’elle méritait ton noble attachement. »