Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 15, 1838.djvu/346

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maître Lambourne, pour assister à l’entrée de la reine ; car il me semble que vous deviez y accompagner votre maître ?

— Eh bien ! toi, mon honnête prince des prisons, tu feras la garde en mon absence. Laisse entrer Tressilian, s’il le veut, mais veille à ce que personne ne sorte. Si la donzelle essayait de faire une sortie, comme il ne serait pas impossible, fais-lui rebrousser chemin, en lui parlant durement ; après tout, ce n’est que la maîtresse d’un mauvais comédien.

— Oh ! quant à cela, répondit Lawrence, je n’ai qu’à fermer sur elle la grille de fer qui est en dehors de la double porte, et, bon gré mal gré, elle sera obligée de se tenir tranquille.

— De cette façon, Tressilian ne pourra arriver jusqu’à elle, » dit Lambourne après un moment de réflexion. « Mais n’importe… on la trouvera dans sa chambre, et c’est tout ce qu’il nous faut. Avoue cependant, vieux geôlier aux yeux de chauve-souris, que tu as peur de garder à toi seul la tour de Mervyn.

— Quant à la peur, je ne m’en embarrasse pas plus que d’un tour de clef ; mais d’étranges choses ont été vues et entendues dans cette tour. Quoique vous ne soyez que depuis peu de temps à Kenilworth, on n’aura pas manqué de vous dire qu’elle est hantée par l’esprit d’Arthur Mervyn, ce chef farouche qui fut pris par le terrible lord Mortimer, quand il était un des commandants des frontières de Galles, et assassiné, à ce qu’il paraît, dans cette tour qui porte son nom.

— Oh ! j’ai entendu faire ce conte cinq cents fois, dit Lambourne, et raconter comment l’esprit n’est jamais plus bruyant que quand on fait bouillir des poireaux ou frire du fromage dans les régions culinaires. Santo diavolo, mon brave, retiens ta langue ; je sais tout ce qu’il en est.

— Oui ; mais pourtant tu ne retiens guère la tienne, quelque sage que tu veuilles te faire. Ah ! c’est une horrible chose que d’assassiner un prisonnier dans son cachot !… Toi qui, peut-être, as donné quelque coup de poignard à un homme dans une rue obscure, tu ne sais point cela. Appliquer à un prisonnier mutin un bon coup de clef sur la tête, et le prier de se tenir tranquille, voilà ce que j’appelle maintenir l’ordre dans la prison ; mais tirer l’épée et le tuer, comme fit ce seigneur gallois, cela vous fait surgir un fantôme qui rend pendant un siècle votre prison inhabitable pour tout honnête prisonnier. Avec cela, j’ai tant d’égards pour mes prisonniers, les pauvres diables ! que j’ai toujours mieux aimé loger à cinquante