Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 15, 1838.djvu/355

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vaste et belle avenue qui conduisait vers la tour de la Galerie, et qui, comme nous l’avons déjà dit, était bordée de chaque côté par les vassaux du comte de Leicester. Le cri de : « La reine ! la reine ! silence ! à vos places ! » se répéta de bouche en bouche. La cavalcade s’avança éclairée par deux cents torches de cire, portées par autant de cavaliers, et qui répandaient un éclat de lumière semblable à celui du grand jour. Tout le cortége, mais particulièrement le groupe principal, dont la reine, vêtue avec la plus grande magnificence et resplendissante de pierreries, occupait elle-même le centre, en était éclairé. Élisabeth était montée sur un cheval blanc comme la neige, qu’elle conduisait avec une grâce et une dignité remarquables, et à sa tournure noble et imposante on reconnaissait la fille de cent rois.

Les dames de la cour, qu’on voyait à cheval auprès de la reine, avaient eu soin que leur extérieur ne fût pas plus brillant que ne le comportaient leur rang et la présente occasion, afin qu’aucun astre inférieur ne parût dans l’orbite de la royauté. Mais, à leurs charmes personnels et à la magnificence qui les distinguait, malgré la contrainte que la prudence leur avait prescrite, on reconnaissait la fleur d’un royaume célèbre par la beauté des femmes et par son faste. Les courtisans, affranchis des précautions que les dames s’étaient imposées, les surpassaient encore par le luxe dont ils brillaient.

Leicester, tout étincelant de bijoux et de drap d’or, comme une image dorée, se tenait à cheval à la droite de Sa Majesté, tant comme son hôte qu’en sa qualité de grand-écuyer. Le noir coursier qu’il montait n’avait pas un seul poil blanc sur le corps ; c’était un des chevaux de guerre les plus estimés de l’Europe, et le comte l’avait acheté à grands frais pour s’en servir dans cette occasion. Le noble animal, s’irritant de la lenteur de la marche, courbait sa tête majestueuse, rongeait son frein d’argent, et l’écume qui jaillissait de sa bouche sur ses membres élégants les parsemait de taches de neige. Le cavalier était digne de la place distinguée qu’il occupait et du superbe animal sur lequel il était monté, car nul homme en Angleterre, et peut-être en Europe, ne surpassait Dudley dans l’art de l’équitation et dans tous les autres exercices propres à son rang. Il avait la tête nue comme tous les autres courtisans qui fermaient le cortège, et l’éclat rougeâtre des torches éclairait ses longues boucles d’un noir d’ébène et ses nobles traits, auxquels la critique la plus sévère n’aurait pu reprocher autre chose que le superbe défaut, si l’on peut s’exprimer ainsi, d’un front un peu trop élevé. Pendant