Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 15, 1838.djvu/428

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de plaider elle-même sa cause devant vous, et ne veut satisfaire aux questions d’aucun personnage inférieur.

— Que le ciel nous en préserve ! dit la reine ; nous avons déjà assez souffert des mésintelligences et du trouble que cette pauvre aliénée semble porter avec elle partout où elle va… Ne le pensez-vous pas, milord ? » ajouta-t-elle en faisant cet appel à Leicester, avec une expression dans le regard qui indiquait un regret, mêlé de quelque chose de tendre, inspiré par leur mésintelligence du matin. Leicester eut la force de s’incliner profondément ; mais, en dépit de tous ses efforts, il ne trouva point celle d’exprimer, par des paroles, qu’il partageait l’opinion de la reine.

« Vous êtes vindicatif, milord, dit-elle ; mais nous vous en punirons un jour. Pour revenir encore une fois à ce trouble-fête, à cette lady Varney, comment va-t-elle, Masters ?

— Elle est taciturne, madame, comme je l’ai déjà dit, répondît Masters, et refuse de répondre aux questions qu’on lui fait, et de se soumettre à l’autorité du médecin. Je la crois atteinte d’un délire que je suis porté à appeler hypocondria, plutôt que frénésie ; et je pense qu’il vaudrait mieux qu’elle fût soignée chez elle par son mari, et transportée loin de tout ce fracas de fêtes qui trouble sa faible imagination et la remplit d’images fantastiques. Elle a l’air de vouloir faire entendre qu’elle est quelque grande dame déguisée, une comtesse ou une princesse peut-être… Que Dieu leur soit en aide ! telles sont les illusions de ces pauvres aliénés.

— Alors, dit la reine, qu’on se hâte de l’emmener. Que Varney lui donne tous les soins que l’humanité réclame ; mais que le château en soit débarrassé à l’instant. Elle s’en croirait bientôt la dame, je gage. C’est bien dommage, cependant, qu’une si belle personne ait une raison si faible. Qu’en pensez-vous, milord ?

— C’est bien dommage, assurément, » dit le comte, répétant ces mots comme une tâche qui lui aurait été imposée.

« Mais peut-être, dit Élisabeth, n’êtes-vous pas de notre avis quant à sa beauté ; et en effet, nous avons vu des hommes préférer une taille plus imposante et plus majestueuse à celle de cet être délicat et fragile qui penche la tête comme un lis brisé. Oui, les hommes sont des tyrans, milord, qui estiment les difficultés d’un combat bien plus que le triomphe d’une conquête facile, et qui, semblables à de vigoureux champions, préfèrent les femmes qui leur disputent le plus long-temps la victoire. Je suis de votre avis, Rutland, que si milord Leicester avait pour femme cette poupée de