Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 15, 1838.djvu/431

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entendre, comme si elle sonnait le combat, ou même la victoire. Les guerriers cessèrent immédiatement leur lutte simulée, et se rassemblant sous leurs premiers chefs, ou sous leurs introducteurs, car c’était là le terme adopté, ils semblèrent partager l’impatience avec laquelle les assistants attendaient le spectacle qui allait s’offrir à leurs regards.

Les portes de la salle s’ouvrirent, et le personnage que l’on vit entrer n’était rien moins que l’enchanteur Merlin dans un costume étrange et mystique, qui convenait à sa naissance ambiguë et à son pouvoir magique. Derrière lui et à ses côtés sautaient et gambadaient plusieurs figures extraordinaires, destinées à représenter les esprits prêts à exécuter ses ordres puissants ; et cette partie du spectacle avait tant d’intérêt pour les subalternes du château et autres individus de la classe inférieure, que beaucoup en oublièrent le respect dû à la reine, jusqu’à se glisser à l’entrée de la salle.

Le comte de Leicester, voyant que ses officiers avaient quelque peine à les repousser, sans occasionner un désordre inconvenant en présence de la reine, se leva pour aller lui-même à l’autre extrémité de la salle. Élisabeth, toujours pleine d’égards pour la classe du peuple, demanda qu’on le laissât jouir de ce spectacle sans le troubler. Ce n’était qu’un prétexte pour Leicester ; son véritable motif était de s’affranchir, ne fût-ce qu’un seul instant, de la tâche cruelle de cacher sous le voile de la gaîté et de la galanterie les angoisses déchirantes de la honte, de la fureur et du remords, mêlées à la soif de la vengeance. Il imposa silence, du regard et du geste, à la foule vulgaire rassemblée au bout inférieur de la salle ; mais au lieu de retourner auprès de Sa Majesté, il s’enveloppa de son manteau, et se mêlant à la foule, resta en quelque sorte spectateur inaperçu de la mascarade.

Merlin étant entré et s’étant avancé dans la salle, appela auprès de lui, par un mouvement de sa baguette magique, les introducteurs des troupes rivales, et leur annonça, dans un discours poétique, que l’île de la Grande-Bretagne était maintenant gouvernée par une vierge royale à laquelle ils devaient rendre hommage selon les arrêts du destin, en la priant de prononcer sur les diverses prétentions que chacun élevait d’être la tige principale d’où les habitants actuels, heureux sujets de cette angélique princesse, tiraient leur origine.

Conformément à ces ordres, les quatre troupes, marchant d’un pas solennel au son de la musique, défilèrent successivement devant