Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 15, 1838.djvu/69

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cence extraordinaire. Ces travaux avaient employé plusieurs jours avant celui où commence notre histoire. Des ouvriers venus de Londres, et auxquels il avait été défendu de sortir de l’enceinte du château avant que tout fût fini, avaient changé les appartements de ce côté du bâtiment, qui jadis avait l’air d’un monastère en ruine, en une espèce de résidence royale. Le plus grand mystère fut observé dans toutes ces dispositions ; les ouvriers arrivèrent et s’en retournèrent de nuit, et toutes les mesures furent prises pour détourner la curiosité des habitants du village d’observer et d’épier les changements qui s’opéraient dans l’habitation de leur voisin Foster, jadis si pauvre, maintenant si riche. Or le secret désiré fut si bien gardé que rien ne transpira au dehors, sinon quelques bruits vagues et incertains, qu’on écouta et répéta sans y ajouter beaucoup de croyance.

Le soir du jour dont nous parlons, cette suite d’appartements nouvellement et magnifiquement décorés fut pour la première fois éclairée, et cela avec un tel éclat qu’on s’en fût aperçu de six milles si les volets de chêne, soigneusement fermés par des verrous et des cadenas, par de longs rideaux de soie et de velours, garnis de larges franges d’or, n’eussent empêché la lumière de la façade d’être vue du dehors.

Le principal appartement, ainsi que nous l’avons dit, était composé de quatre pièces qui communiquaient l’une à l’autre. On y arrivait par un grand escalier d’une largeur et d’une hauteur démesurée qui aboutissait à la porte d’une antichambre ayant à peu près la forme d’une galerie. Cette pièce avait autrefois servi à l’abbé de chambre de conseil ; mais elle était maintenant richement lambrissée avec un bois étranger de couleur brune très foncée, et poli avec le plus grand soin. On le disait apporté des Indes occidentales à Londres, où on avait eu tant de peine à le travailler, que les ouvriers y perdaient souvent leurs outils. La teinte sombre de ces lambris était relevée par de nombreuses bougies placées dans des candélabres d’argent fixés aux murs, et par six grands tableaux richement encadrés, ouvrage des grands maîtres de l’époque. À l’une des extrémités de la pièce était une table massive en chêne, à l’usage des amateurs de galet, jeu alors fort à la mode ; et à l’autre, une galerie destinée à recevoir les musiciens ou les ménestrels qui pouvaient être appelés à augmenter les plaisirs de la soirée.

De cette antichambre on passait dans une salle à manger de moyenne grandeur, mais dont le riche ameublement était fait pour