Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 15, 1838.djvu/72

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partements logeables, on avait pris toute espèce de précaution pour que, jusqu’à ce qu’elle en eût pris possession, elle n’eût aucune connaissance de ce qui se faisait dans cette partie de l’ancien bâtiment, et pour qu’elle ne s’exposât pas à être aperçue par les ouvriers. Elle avait donc été introduite ce soir-là dans une partie de la maison qu’elle n’avait jamais vue, et si différente de tout le reste, qu’elle lui sembla, en comparaison, une espèce de palais enchanté. Aussi, quand elle examina et occupa pour la première fois ces splendides appartements, elle le fit avec la joie naïve et immodérée d’une beauté champêtre qui se trouve subitement environnée d’une magnificence telle qu’elle ne se l’était jamais figurée dans ses désirs les plus extravagants, et en même temps elle éprouva ce sentiment délicat d’un cœur affectueux qui reconnaît que toutes les merveilles qui l’entourent sont l’ouvrage de ce grand magicien qu’on appelle l’Amour.

La comtesse Amy (car elle avait été élevée à ce rang par son union secrète mais solennelle avec le plus puissant des comtes d’Angleterre) courut pendant quelque temps de chambre en chambre, admirant chaque nouvelle preuve du goût de son amant, en même temps son époux, et redoublant encore d’admiration quand elle considérait que les objets qui brillaient à ses yeux étaient autant de témoignages de son inépuisable affection. « Que ces tapisseries sont belles !… Que de naturel dans ces tableaux qui semblent être animés ! … Quelle richesse de travail dans cette argenterie dont la profusion ferait croire qu’on a intercepté tous les galions de l’Espagne pour la fabriquer !… Jeannette ! » répéta-t-elle à plusieurs reprises à la fille de Foster, sa femme de chambre, qui la suivait en témoignant non moins de curiosité, mais une joie moins extatique, « Ô Jeannette ! qu’il est délicieux de penser que toutes ces belles choses ont été réunies ici par son amour pour moi ! et que ce soir, lorsque le jour que chaque instant rend plus obscur aura tout-à-fait disparu, je le remercierai bien plus de l’amour qui a créé cet admirable paradis que des merveilles qu’il renferme !

— Il faut d’abord, madame, dit la jolie puritaine, remercier le Seigneur qui vous a donné l’époux tendre et galant dont l’amour a fait tout cela pour vous. Et moi aussi, j’en puis revendiquer ma petite part. Mais si vous courez ainsi de chambre en chambre, votre coiffure, qui m’a coûté tant de peine, va s’affaisser, comme la glace fond sur les vitres lorsque le soleil est sur l’horizon.

— Tu as raison, Jeannette, » dit la jeune et belle comtesse, en