Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 15, 1838.djvu/80

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— Où tendent tous ces discours, monsieur Varney ? voudriez-vous me faire croire que mon noble époux est jaloux ? Supposons que cela soit, je connais un remède pour guérir la jalousie.

— Vraiment, madame !

— Oui, monsieur, et c’est de dire en tout temps la vérité à mon mari, de lui montrer mon âme et mes pensées aussi nues que la surface polie de cette glace ; de sorte que, quand il regardera dans mon cœur, il n’y voie que son image.

— Je n’ai plus qu’à me taire, madame ; et comme je n’ai aucun motif de m’intéresser à Tressilian, qui m’aurait percé le cœur, s’il avait pu, je me consolerai aisément de ce qui pourra lui arriver par suite de la franchise avec laquelle vous révélerez qu’il a osé pénétrer dans votre retraite. Vous qui connaissez milord mieux que moi, vous jugez s’il est homme à souffrir que cette insulte reste impunie.

— Ah ! si je pouvais penser que je fasse la cause de la perte de Tressilian, moi qui lui ai déjà fait tant de chagrin, je pourrais consentir à garder le silence. Mais à quoi cela servirait-il, puisqu’il a été vu par Foster et par une autre personne encore ?… Non, non, Varney, n’insistez pas davantage ; je dirai tout à milord, et en même temps je plaiderai de telle façon pour Tressilian, que je disposerai le cœur généreux de milord à le servir plutôt qu’à le punir.

— Votre jugement, madame, est de beaucoup supérieur au mien, mais vous pouvez, si vous voulez, sonder la glace avant de vous y aventurer ; par exemple, prononcez le nom de Tressilian devant milord, et observez l’effet qu’il produira sur lui. Quant à Foster et à son compagnon, ils ne connaissent Tressilian que de vue, et je puis leur fournir quelque excuse raisonnable pour justifier l’apparition d’un étranger inconnu dans cette maison. »

La comtesse se tut un instant ; puis elle répliqua : « S’il est vrai, Varney, que Foster ne sache pas que l’homme qu’il a vu est Tressilian, j’avoue que je ne voudrais pas qu’il apprît ce qui ne le regarde nullement. Il se conduit déjà avec assez de rigueur à mon égard, et je n’ai envie de le prendre ni pour juge ni pour conseiller.

— Sans doute, dit Varney : qu’a-t-il à voir dans vos affaires, cet insolent valet ? Pas plus, assurément, que le chien d’attache qui garde la cour. Pour peu qu’il déplaise à milady, j’ai assez de crédit pour le faire remplacer par un sénéchal qui lui soit plus agréable.

— Maître Varney, dit la comtesse, brisons là-dessus. Si j’ai à me plaindre des personnes que milord a placées près de moi, c’est