Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 15, 1838.djvu/86

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autres, qui usons notre vie dans les cours, nous ressemblons à ceux qui gravissent une montagne de sable ; nous n’osons pas faire halte avant qu’une saillie de rocher nous offre un point d’appui solide pour nous reposer : si nous nous arrêtons plus tôt, nous glissons entraînés par notre propre poids, et nous devenons l’objet d’une dérision universelle. Je suis arrivé très haut, mais je ne suis pas encore assez solidement assis pour suivre mon inclination. Déclarer mon mariage, ce serait préparer ma ruine. Mais, croyez-moi, je parviendrai à un point, et ce sera bientôt, où je pourrai vous rendre justice ainsi qu’à moi. En attendant n’empoisonnez pas notre bonheur actuel en souhaitant ce qui ne peut avoir lieu à présent. Apprenez-moi plutôt si tout ici se fait à votre gré. Comment Foster se comporte-t-il envers vous ? Il se montre toujours respectueux, j’espère ; autrement le drôle me le paierait cher.

— Il me rappelle quelquefois la nécessité de ma solitude, » répondit la comtesse en soupirant ; « mais c’est me rappeler vos désirs, et je suis plutôt disposée à lui en savoir gré qu’à l’en blâmer.

— Je vous ai informée de la triste nécessité qui pèse sur nous, répliqua le comte ; Foster, à ce que j’ai remarqué, est d’une humeur assez désagréable, mais Varney me répond de sa fidélité et de son dévouement. Si pourtant tu as à te plaindre en quoi que ce soit de la manière dont il remplit ses devoirs, il en sera puni.

— Oh ! je n’ai nullement à m’en plaindre, tant qu’il vous sert fidèlement ; et puis sa fille Jeannette est pour moi une compagne fort agréable dans ma solitude : son petit air précisien lui sied parfaitement.

— S’il en est ainsi, dit le comte, celle qui vous donne tant de satisfaction ne doit pas rester sans récompense. Approchez, jeune fille.

— Jeannette, dit la comtesse, venez près de milord. »

Jeannette qui, comme nous l’avons dit plus haut, s’était retirée par discrétion à quelque distance, afin que sa présence ne gênât pas son maître et sa maîtresse dans leur conversation, s’approcha, et quand elle fit sa révérence, le comte ne put s’empêcher de sourire du contraste que l’extrême simplicité de sa mise et sa gravité étudiée formaient avec sa jolie figure et ses deux yeux noirs singulièrement animés en dépit de ses efforts pour garder son sérieux.

« Je vous dois des remercîmenis, ma charmante demoiselle, pour la satisfaction que vos services procurent à milady. » À ces mots il ôta de son doigt une bague de quelque prix, et l’offrit à