Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 16, 1838.djvu/26

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

on pouvait penser qu’en agissant avec modération, il n’aurait aucune objection pour ne pas leur faire de bien. « Et trois sur douze, » dit en se résumant le sage Rauzellaer, « est un profit décent et modéré qui nous procurera les bénédictions de Dieu et de saint Ronald. »

Se conformant au tarif qui leur était si judicieusement recommandé, les habitants de Jarlshof ne volèrent Mertoun, par suite, que d’environ vingt-cinq pour cent, taux auquel tous les nababs, les fournisseurs, les spéculateurs de fonds, et les autres gens qu’une fortune récente et rapide a mis à même de mener grand train dans le pays, doivent se résigner, car ils ne sont ainsi qu’honnêtement imposés par leurs pauvres voisins. Mertoun au moins parut de cette opinion, car il ne se troubla plus désormais au sujet des dépenses du ménage.

Les pères conscrits de Jarlshof ayant arrangé leurs affaires, prirent ensuite en considération l’affaire de Swertha, la matrone bannie du château ; et comme ils avaient en elle une alliée utile et expérimentée, ils désiraient ardemment la replacer dans sa charge de gouvernante, si la chose était possible. Mais comme leur sagesse faillit en ce point, Swertha, par désespoir, eut recours aux bons offices de Mordaunt Mertoun, auprès duquel elle s’était mise en faveur en chantant de vieilles ballades norwégiennes, et en racontant d’horribles histoires sur les Trows ou Drows (nains des Scaldes) dont l’antique superstition avait peuplé plus d’une caverne solitaire, plus d’une noire vallée dans le Dunrossness, aussi bien que dans tout autre district du Shetland. « Swertha, dit le jeune garçon, je puis faire bien peu pour vous, mais vous pouvez beaucoup par vous-même. La colère de mon père ressemble à la furie de ces anciens champions, les Berserkars dont vous m’avez chanté l’histoire. — Oui, oui, poisson de mon cœur, » répliqua la vieille femme avec un gémissement pathétique ; « les Berserkars étaient des champions qui vivaient bien avant les heureux jours de saint Olave, et qui avaient coutume de se jeter comme des furieux sur les épées, les pieux, les harpons et les mousquets : ils mettaient tout en pièces aussi aisément qu’un requin romprait un filet à harengs ; et puis quand leur rage était passée, ils étaient aussi faibles et aussi vacillants que de l’eau[1]. — C’est absolument la même chose,

  1. Les sagas des Scaldes sont remplis de la peinture de ces champions. Sans doute les Berserkars, ainsi appelés parce qu’ils combattaient sans armure, employaient un moyen physique pour se donner à eux-mêmes une espèce de frénésie, pendant laquelle ils possédaient la force et l’énergie que l’on a observées généralement chez les insensés. Il est bien connu que les guerriers indiens prennent une forte dose d’opium et de bang avant le combat pour produire sur eux le même effet. a. m.