Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 16, 1838.djvu/33

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sienne, elles répondaient à l’affection paternelle par un amour que l’extrême indulgence de Magnus ne rendait ni moins respectueux, ni plus capricieux. Il existait entre les deux sœurs une ressemblance de caractère et de figure extrêmement frappante, quoiqu’elle fût combinée avec une certaine ressemblance de famille.

La mère de ces jeunes personnes était une dame écossaise des montagnes du Sutherland, fille unique d’un noble chef qui, chassé de sa terre natale durant les guerres du dix-septième siècle, avait trouvé asile dans ces îles paisibles, pays pauvre et isolé, mais heureux, puisqu’il n’était troublé ni par la discorde ni par les guerres civiles. L’Écossais (son nom était Saint-Clair), regrettant toujours sa vallée natale, sa tour féodale, les hommes de son clan, et son autorité perdue, mourut peu après son arrivée aux Shetland. En dépit de son origine écossaise, la beauté de l’orpheline toucha le cœur de Magnus Troil. Il fit sa cour, et fut agréé ; elle devint donc son épouse ; mais, après la cinquième année de leur union, elle mourut, lui laissant à pleurer la jouissance trop courte d’un véritable bonheur domestique.

Minna avait reçu de sa mère ces formes majestueuses et ces yeux noirs, ces cheveux d’ébène et ces sourcils si bien dessinés qui montraient qu’elle était, d’un côté du moins, étrangère au sang de Thulé. Ses joues,


Blanches sans être pâles,


avaient une teinte si légère, si délicate, des couleurs de la rose, que beaucoup pensaient que le lis dominait trop sur sa figure. Mais cette faible coloration n’était causée ni par la maladie, ni par la langueur. C’était un teint frais et plein de santé, qui s’alliait parfaitement à une physionomie contemplative et à une âme élevée. Quand Minna Troil entendait parler d’un malheur ou d’une injustice, le sang montait à ses joues, et laissait entrevoir un caractère ardent, malgré l’expression habituellement sérieuse, calme et froide de son visage et de ses manières. Si parfois des étrangers s’imaginaient que ces beaux traits étaient obscurcis par une mélancolie peu naturelle à son âge et dans sa position, ils s’apercevaient bientôt que la douce quiétude de son esprit, et une énergie mentale qui ne trouvait point à se développer dans les occasions ordinaires, étaient les causes réelles de sa gravité. Sachant que sa mélancolie n’avait point pour fondement des souffrances véritables, mais était seulement le rêve d’une âme qui aspirait sans cesse à des objets