Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 16, 1838.djvu/35

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puise dans les livres n’étaient point à sa portée. L’île n’offrait alors que peu de commodité pour étudier les leçons


Que la mort lègue à la postérité :


et Magnus Troil, d’après le portrait que nous en avons tracé, n’était pas homme à fournir sa maison des objets nécessaires à l’étude. Mais le livre de la nature s’ouvrait devant Minna, le plus noble des livres, où nous sommes toujours appelés à admirer, même quand nous ne pouvons comprendre. Les plantes de ces contrées sauvages, les coquillages des côtes, et les peuplades ailées qui habitent les sommets et les creux des rochers, étaient aussi bien connus de Minna Troil que du plus expérimenté des chasseurs. Son génie d’observation était merveilleux, et rarement troublé par d’autres émotions. Les connaissances qu’elle avait acquises par l’habitude d’une attention patiente, étaient gravées d’une façon indélébile dans une mémoire naturellement heureuse. Elle sentait la solitaire et mélancolique grandeur des scènes où elle était placée : l’Océan dans toutes ses formes variées de magnificence et de terreur, les écueils affreux qui retentissent du mugissement continuel des vagues et des cris des oiseaux marins, offraient à Minna un spectacle que chaque saison parait d’un charme nouveau. Avec les sensations enthousiastes, propres à la race poétique dont sa mère descendait, l’amour passager de la nature était chez elle une passion capable non seulement d’occuper, mais aussi parfois d’agiter son esprit. Des scènes que sa sœur contemplait avec un sentiment d’admiration et de terreur, ou qui s’évanouissaient aussitôt pour la légère Brenda, continuaient à remplir l’imagination de Minna, non seulement dans la solitude et le silence des nuits, mais au sein même des plaisirs de la société. Souvent, en effet, tandis qu’elle était assise comme une belle statue, assistant de corps à la réunion de famille, ses pensées étaient loin de là, errant sur la côte sauvage et au milieu des montagnes plus sauvages encore de ses îles natales. Et pourtant, lorsqu’elle était rappelée à la conversation, et qu’elle y prenait intérêt, personne ne contribuait de meilleure grâce à en accroître les charmes ; et quoique dans les manières de cette douce enfant quelque chose commandât le respect en même temps que l’affection, néanmoins sa sœur, si gaie, si gentille, si aimable, n’était pas plus généralement aimée que l’abstraite et pensive Minna.

Les deux charmantes filles de Magnus faisaient donc non seulement les délices de leurs amis, mais encore l’orgueil de ces îles, où