Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 16, 1838.djvu/48

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poche. À ces anciennes notabilités il en joignait de plus modernes, Tusser, Hartlib, et d’autres écrivains qui ont traité de l’économie rurale, sans oublier les élucubrations du berger de la plaine de Salisbury. Il ne négligeait même pas les travaux de ces ingénieux philomathes, qui, au lieu de charger leurs almanachs de vaines prédictions sur les événements politiques, dirigent l’attention de leurs lecteurs vers des procédés de culture, au moyen desquels on pouvait en toute sûreté prédire de bonnes récoltes ; auteurs modestes qui, s’inquiétant peu de l’élévation et de la chute des empires, se contentent de marquer les saisons propres à semer et à récolter, avec une belle prophétie du temps qu’on doit avoir dans chaque mois, par exemple, que s’il plaît au ciel nous aurons de la neige en janvier et du soleil en juillet.

Or, quoique le pasteur de Saint-Léonard fût grandement satisfait en général de l’application calme, studieuse et soutenue de Triptolème Yellowley, et le déclarât en conséquence digne d’un nom de quatre syllabes à terminaison latine, pourtant il ne pouvait lui pardonner l’attention exclusive qu’il donnait à ses auteurs favoris. « Rien qui sente le limon terrestre, disait-il, si ce n’est quelque chose de pis, comme de se tenir toujours l’esprit enfoncé dans le terreau, les engrais et le fumier ! » et il lui recommandait, mais en vain, histoire, poésie, théologie, comme des objets d’étude plus propres à relever l’âme humaine. Triptolème Yellowley était obstiné à suivre sa méthode. À propos de la bataille de Pharsale, il ne pensait guère qu’elle eût influé sur la liberté du monde, mais il déclarait que les champs émathiens avaient dû produire une superbe récolte l’année suivante. Des poésies nationales, on avait grand’peine à lui en faire lire un seul couplet, à l’exception du vieux Tusser, comme nous l’avons déjà dit, dont il savait par cœur les cent recettes sur la bonne culture. Il faut aussi excepter la Vision de Pierre le laboureur, que, sur son titre, il avait achetée d’un colporteur ; mais après avoir lu les deux premières pages, il jeta le livre au feu comme un ouvrage menteur à son titre et un impudent libelle de politique. Quant à la théologie, il résumait cette science en rappelant à ses professeurs que labourer la terre et gagner son pain à la fatigue de son corps et à la sueur de son front était le lot réservé à l’homme déchu, et que, pour sa part, il était résolu de remplir de son mieux une tâche si évidemment nécessaire à l’existence, laissant à d’autres de raisonner autant qu’ils voudraient sur les mystères abstraits de la science divine.