Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 16, 1838.djvu/67

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de couleur brune, appelée wadmaal, généralement portée à cette époque dans les îles Shetland aussi bien que dans l’Islande et la Norwège. Mais en se dépouillant de ce vêtement, elle laissa voir une courte jaquette de velours d’un bleu sombre parsemée de dessins, et un corsage de couleur cramoisie et brodé d’un argent déjà terne. Sa ceinture était garnie d’ornements en argent taillés dans les formes des signes planétaires. Son tablier bleu était brodé de semblables figures, et recouvrait un jupon court d’étoffe cramoisie. Elle portait de forts souliers en peau à demi tannée du pays, attachés sur ses bas écarlates par des courroies semblables à celles des bottines romaines. Elle avait à la ceinture une arme qui n’était pas des plus mignonnes, et qu’on pouvait prendre pour un couteau à sacrifice ou pour un poignard, suivant que l’imagination de l’observateur assignait à cette femme le rôle de prêtresse ou de sorcière. À la main elle tenait un bâton soigneusement équarri, couvert de caractères runiques et de figures formant un de ces calendriers perpétuels en usage chez les anciennes tribus de la Scandinavie ; bâton qui pouvait, aux yeux de gens superstitieux, passer pour une baguette divinatoire.

Tel était l’extérieur de Norna de Fitful-Head, que beaucoup des habitants de l’île regardaient avec méfiance, beaucoup avec crainte, presque tous avec vénération. Des motifs de soupçon moins évidents auraient suffi en Écosse pour l’exposer aux persécutions de ces cruels inquisiteurs qui étaient souvent, à cette époque, investis par le conseil privé de toute l’autorité nécessaire pour vexer, torturer et condamner au feu les malheureux accusés de magie ou de sorcellerie. Mais les superstitions de cette nature passent par deux degrés avant de disparaître entièrement. Ceux qu’on suppose posséder une puissance surnaturelle sont vénérés dans les premiers âges des sociétés ; à mesure que la religion et les lumières augmentent, ils sont d’abord en butte à la haine et à l’horreur, et sont enfin regardés comme imposteurs. L’Écosse était dans ce second état : la crainte des sortilèges était grande, et la haine contre les gens soupçonnés de sorcellerie était extrême. Les Shetland formaient comme un petit monde où, parmi les classes inférieures de la société, régnait encore l’antique superstition du Nord. On y conservait la vénération primitive pour ceux qui affectaient des connaissances surnaturelles et un pouvoir plus qu’humain sur les éléments, pouvoir qui occupait une si grande place dans les anciennes croyances de la Scandinavie. Du moins si les naturels de Thulé admettaient