Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 17, 1838.djvu/108

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beaucoup d’attention ; et comme la vue des avantages physiques lui était aussi odieuse que celle des richesses ou des autres faveurs du sort, il n’eut pas plus tôt achevé d’examiner la taille élégante et les beaux traits du jeune lord que, semblable à un des consolateurs de Job, il s’approcha de lui pour lui parler de l’ancienne grandeur des lords de Glenvarloch, et de ses regrets en apprenant que leur représentant n’était pas destiné à posséder les domaines de ses ancêtres. Puis il s’étendit avec complaisance sur les beautés de la baronnie de Glenvarloch, la situation majestueuse du vieux château, la noble étendue du lac sur lequel se rassemblaient tant d’oiseaux sauvages pour la chasse au faucon ; la perspective imposante des forêts remplies de daims, qui s’étendaient jusqu’au pied d’une chaîne de montagnes ; enfin il parla si longuement sur les avantages de ces anciens et magnifiques domaines, que Nigel, malgré tous ses efforts, ne put retenir un soupir.

Sir Mungo, habile à découvrir les sensations désagréables qu’il produisait sur l’esprit de ceux avec lesquels il conversait, remarqua bientôt que sa nouvelle connaissance paraissait souffrir, et il n’aurait pas demandé mieux que d’appuyer sur ce sujet. Mais le signal impatient du cuisinier qui frappa sur une table avec le manche de son couteau, de manière à se faire entendre du haut en bas de la maison, avertit les domestiques de servir le dîner, et les convives de venir y prendre part. Sir Mungo, grand amateur de bonne chère, goût qui, par parenthèse, devait contribuer à réconcilier sa dignité avec ses visites dans la Cité, se leva soudain à ce bruit et laissa en paix Nigel et les autres convives jusqu’à ce qu’il eût satisfait son empressement à occuper à table la place d’honneur qui lui était due. Assis à la gauche de la tante Judith, il vit Nigel occuper une place plus honorable encore à la droite de cette matrone, qu’il séparait ainsi de la jolie mistress Marguerite ; mais ce qui vint l’aider à prendre son parti là-dessus fut la vue d’un superbe chapon lardé qu’on avait placé devant lui.

Le dîner fut servi suivant les formes du temps. Tout y était excellent, et outre les mets écossais qui avaient été annoncés, la table présentait le bœuf rôti et les poudings, qui furent de tous les temps les plats favoris de la vieille Angleterre. Un petit buffet, couvert d’argenterie et d’un travail remarquable, attira les louanges de la compagnie, et n’échappa pas à un sarcasme indirect de sir Mungo, qui fit allusion à l’habileté du propriétaire dans son métier.