Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 17, 1838.djvu/121

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Comment puis-je le dire à Votre Seigneurie ? répondit le domestique. Je remercie Dieu de ne rien savoir de ce qui a rapport à ses fantaisies ou à ses antipathies. Tout ce que je sais, c’est que son cercueil est là, et je demande à Votre Seigneurie quel besoin une personne vivante a d’un cercueil ? pas plus, il me semble, qu’un esprit d’une lanterne. — Quelle raison, répéta Nigel, peut avoir une créature si jeune et si belle de contempler habituellement le lit où elle doit trouver un dernier, un éternel sommeil ? — Ma foi, je ne sais pas, milord ; mais le cercueil y est bien, comme me l’ont assuré ceux qui l’ont vu. Il est de bois d’ébène avec des clous d’argent, et doublé en dedans de riche damas, digne de servir au lit d’une princesse. — C’est singulier, » dit Nigel, dont la tête, semblable à celle des jeunes gens doués d’une imagination active, accueillait avec exaltation tout ce qui avait quelque chose d’extraordinaire ou de romanesque. « Mange-t-elle avec la famille ? — Qui ! elle ? » s’écria Moniplies surpris de cette question ; « celui qui voudrait souper avec elle aurait besoin d’une cuiller à long manche, à ce que je crois. On met tous les jours pour elle quelque chose dans le tour, tel est le nom qu’on donne à une machine, à une espèce de boîte ouverte qui tourne, dont un côté est en dehors du mur, et l’autre en dedans. — J’ai vu cette invention dans les couvents étrangers, dit le lord de Glenvarloch ; et est-ce ainsi qu’elle reçoit sa nourriture ? — On dit qu’on y met tous les jours quelque chose pour la forme, répondit le domestique ; mais on ne peut pas supposer qu’elle y touche plus que les images de Baal et du Dragon ne touchaient aux mets délicats qu’on plaçait devant eux. Il y a dans la maison assez de domestiques et de servantes d’un bon appétit pour vider les plats aussi bien que les soixante et dix prêtres de Bel, outre leurs femmes et leurs enfants. — Et ne la voit-on jamais qu’à la prière ? — Jamais, à ce qu’on m’a dit. — C’est bien singulier, » répéta Nigel d’un air rêveur. « Sans les ornements qu’elle porte, et surtout si elle n’assistait pas au service de l’Église protestante, je pourrais me former une opinion, et croire que c’est une religieuse catholique qui, pour quelque raison puissante, a obtenu de se cloîtrer de cette manière à Londres, ou quelque malheureuse victime des superstitions de l’Église romaine, qui subit une cruelle pénitence. Mais, dans l’état des choses, je ne sais que penser. »

Sa rêverie fut interrompue par le coup que frappa le porte-fallot à la porte de l’honnête Christie. Dame Nelly accourut aus-