Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 17, 1838.djvu/123

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dre utile aux fragilités et aux passions humaines dans leur naissance, leurs progrès et leurs résultats. Elle savait procurer une entrevue à des amants qui pouvaient donner de bonnes raisons pour se voir secrètement ; débarrasser une belle qui s’était livrée à une passion coupable du fardeau qui en était la suite, et peut-être même faire adopter le rejeton d’un amour illégitime par quelque couple dont la tendresse avait été sanctifiée par les nœuds de l’hymen, mais auquel le ciel n’avait pas accordé d’enfants. Elle pouvait plus encore que tout cela ; car elle avait été initiée dans des secrets plus profonds et plus précieux : élève de mistress Turner, elle avait appris de cette femme célèbre l’art de faire de l’empois jaune, et deux ou trois autres secrets d’une plus grande importance, quoique aucun peut-être ne fût aussi criminel que ceux dont sa maîtresse avait été accusée. Mais tout ce qu’il y avait de sombre et de profond dans son caractère était caché sous l’extérieur de la bonne humeur et de la gaieté, par le rire plein de franchise et l’agréable plaisanterie au moyen desquels la bonne dame savait se concilier ses voisins d’un certain âge, et par les différents petits artifices qui la rendaient agréable à la jeunesse et surtout à celle de son propre sexe.

Dame Ursule ne paraissait guère avoir plus de quarante ans : sa taille n’était pas épaissie jusqu’à l’excès, et ses traits encore agréables, quoique sa personne fût un peu chargée d’embonpoint, et que la bonne chère eût coloré son teint de couleurs un peu trop vives, avaient une expression d’enjouement et de bonne humeur qui faisaient ressortir les restes d’une beauté sur son déclin. On croyait dans son quartier, et assez loin à la ronde, qu’un mariage, une naissance, un baptême, ne pouvaient se célébrer convenablement si dame Ursule n’y était présente. Elle savait imaginer toutes sortes de jeux, de divertissements et de plaisanteries pour amuser les nombreuses sociétés que l’hospitalité de nos ancêtres rassemblait dans de telles occasions ; et par suite, sa présence était littéralement regardée comme indispensable, dans ces joyeuses circonstances, par tous les bourgeois du moyen rang. On lui supposait aussi tant d’expérience du monde et des difficultés de la vie, que la moitié des amoureux du quartier la choisissaient pour leur confidente, lui communiquaient leurs secrets, et prenaient les conseils de la dame Ursule. Les riches récompensaient ses services par des bagues, ou, ce qu’elle aimait encore mieux, par des pièces d’or, et elle prêtait généreusement son secours aux pau-