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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 17, 1838.djvu/178

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où l’on mange, ou tout autre endroit ouvert au public ; car il n’y en a pas un seul où vos regards ne puissent être souillés de la vue de ces images de carton coloriées, et vos oreilles profanées par le bruit de ces petits carrés d’ivoire mouchetés. La seule différence, c’est que là où nous allons, nous pouvons rencontrer des gens de qualité qui s’amusent à faire une partie ; et, dans les maisons ordinaires, vous trouverez des escrocs et des tapageurs, qui chercheront à vous dépouiller de votre argent, les uns par finesse, les autres en vous cherchant querelle. — Je suis certain que vous ne pouvez chercher à m’entraîner dans le mal, dit Nigel ; mais mon père avait pour le jeu une horreur inspirée par ses principes religieux, je crois, autant que par la prudence : il supposait, d’après je ne sais quelle circonstance, qui, j’espère, l’avait trompé, que j’aurais du penchant pour cette passion, et je vous ai dit quelle promesse il exigea de moi. — Eh bien ! sur mon honneur, reprit Dalgarno, cette application me fournit la raison la plus puissante d’insister pour que vous veniez avec moi. Un homme qui veut fuir un danger doit préalablement chercher à en connaître la réalité et l’étendue, et cela dans la compagnie d’un guide confidentiel, d’un ami qui puisse lui servir de sauvegarde. Croyez-vous que je sois joueur moi-même ? Par ma foi ! les chênes de mon père croissent trop loin de Londres et sont trop bien enracinés dans les rochers du Perthshire pour que j’aille leur faire courir la chance d’un dé, quoique j’aie vu de cette manière des forêts entières abattues comme des quilles. Non, non ; ce sont des passe-temps bons pour les riches Anglais, et non pour les pauvres nobles de l’Écosse. Cet endroit, je vous le répète, est une maison où l’on donne à manger, et vous et moi n’y allons que pour cela. Si d’autres y vont pour jouer, c’est leur faute, non celle de la maison ou la nôtre. »

Peu satisfait de ces raisonnements, Nigel insistait encore sur la promesse qu’il avait faite à son père : mais enfin son compagnon parut mécontent et disposé à lui imputer des soupçons injurieux et déshonorants. Lord Glenvarloch ne put résister à ce changement de ton : il se rappela qu’il devait beaucoup à Dalgarno, soit à cause des services et des preuves d’amitié qu’il avait reçus de son père, soit pour la manière franche dont le jeune homme était entré en liaison avec lui. Il n’avait aucune raison de persister à croire que la maison où ils allaient dîner fût du genre de celles dont son père lui avait défendu l’entrée : enfin il