Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 17, 1838.djvu/91

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de leur prix par la manière dont ils s’offraient à l’œil. La table était couverte d’énormes in-folio, auxquels étaient mêlés des recueils de plaisanteries et d’obscénités ; et au milieu de notes, de discours d’une longueur impitoyable, et d’essais sur l’art de régner, se trouvaient de misérables rondeaux et des ballades composés par l’apprenti royal dans l’art de la poésie, suivant le nom qu’il se donnait à lui-même : on y voyait encore des plans pour la pacification générale de l’Europe, à côté d’une liste contenant le nom de tous les chiens du roi, et des recettes contre la rage.

Le roi portait un pourpoint de velours vert, doublé de manière à être à l’épreuve du poignard ; ce qui lui donnait un embonpoint de fort mauvaise grâce : en outre, comme ce vêtement était boutonné de travers, sa taille paraissait contournée. Par-dessus son pourpoint, il portait une robe de chambre de couleur sombre, par une des poches de laquelle sortait son cor de chasse. Son chapeau gris à haute forme était sur le plancher, couvert de poussière, mais entouré d’une chaîne de gros rubis-balais, et il portait un bonnet de nuit de velours bleu, sur le devant duquel était placée la plume d’un héron qui avait été abattu, de quelque manière remarquable, par un de ses faucons favoris ; en souvenir de ce fait le roi accordait à cette plume l’honneur insigne de la porter de la sorte.

Ces inconséquences dans son costume et dans les objets qui l’entouraient n’étaient que le type extérieur de celles qui existaient dans le caractère du monarque : inconséquences qui mettaient ses contemporains dans l’impossibilité de le juger d’une manière stable, et qui le rendirent un problème pour les historiens futurs. Il avait une instruction profonde, sans posséder de connaissances utiles : dans plusieurs circonstances particulières, il s’était montré doué de sagacité, et n’avait en réalité aucun jugement. Attaché au pouvoir, avec le désir de le conserver et de l’agrandir, on le voyait en abandonner la conduite, et se laisser mener lui-même par les plus indignes favoris. Toujours prêt à soutenir hardiment et à faire valoir ses droits, tant qu’il ne s’agissait que de paroles ; mais, lorsqu’il aurait fallu des actions, les regardant tranquillement fouler aux pieds. Partisan des négociations dans lesquelles il était toujours dupe, il craignait la guerre lorsque la conquête eût été facile. Il aimait sa dignité, et la dégradait sans cesse par des familiarités inconvenantes. Capable de travailler aux affaires publiques, il les négligeait le plus