Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 19, 1838.djvu/139

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

répliqua le roi en souriant. — « Je pourrais établir la discipline parmi des prêtres, répartit le comte, aussi bien que monseigneur l’évêque d’Évreux, ou Son Éminence le cardinal, si ce titre lui plaît davantage, peut faire faire l’exercice aux soldats de la garde de Votre Majesté. »

Le roi sourit de nouveau, et dit tout bas à Dunois avec un air de mystère : « Le temps viendra peut-être où vous et moi nous opérerons une réforme parmi les prêtres en général ; mais quant à celui-ci, c’est un brave homme d’évêque dont nous supportons la vanité. Ah ! Dunois, c’est Rome, Rome qui nous impose ce fardeau, ainsi que beaucoup d’autres. Mais patience, cousin, et battons les cartes jusqu’à ce qu’il nous vienne une bonne main[1]. »

Le son des trompettes qui se fit entendre dans la cour annonça l’arrivée du seigneur bourguignon. Tous ceux qui étaient dans la salle d’audience s’empressèrent de prendre leurs places, selon l’ordre de préséance, et le roi ainsi que ses filles restèrent seuls au centre de l’assemblée.

Le comte de Crèvecœur, guerrier renommé et intrépide, entra dans l’appartement ; et, contre l’usage des envoyés des puissances amies, il était entièrement couvert d’une somptueuse et superbe armure de Milan, en acier, damasquinée en or, et travaillée dans le goût fantastique appelé arabesque : sa tête seule était nue. Autour de son cou, et sur sa cuirasse bien polie, était suspendue la décoration de l’ordre institué par son maître, celui de la Toison d’or, l’une des associations de chevalerie les plus honorables que l’on connût alors dans la chrétienté. Un page couvert d’habits magnifiques le suivait, tenant à la main le casque de son maître, et il était précédé d’un héraut qui portait ses lettres de créance, et qui, mettant un genou en terre, les présenta au roi, tandis que l’ambassadeur s’arrêta au milieu de la salle, comme pour donner le temps d’admirer son air noble, sa taille imposante, et le calme intrépide de sa figure et de son maintien. Le reste de son cortège demeura dans l’antichambre ou dans la cour.

« Approchez, seigneur comte de Crèvecœur, » dit Louis après avoir jeté un coup d’œil sur les papiers que le héraut lui avait remis ; « il n’était pas besoin de lettres de créance de la part de notre cousin, ni pour introduire auprès de nous un guerrier si bien connu, ni pour nous assurer du crédit si bien mérité dont vous jouissez auprès de votre maître. Nous espérons que votre belle

  1. Ce même proverbe a été donné par Cervantès : Paciencia y barojar. a. m.