Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 19, 1838.djvu/200

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Galeotti Martivalle était un homme de grande taille ; et, quoique chargé d’embonpoint, son extérieur n’était pas dépourvu d’agrément. Il avait de beaucoup dépassé le printemps de la vie ; et l’habitude de l’exercice qu’il avait contractée dans sa jeunesse, habitude à laquelle il revenait quelquefois, n’avait pu lutter efficacement contre une tendance naturelle à la corpulence, augmentée d’ailleurs par ses études sédentaires et son goût prononcé pour les plaisirs de la table. Ses traits, quoiqu’un peu grossis par l’âge, étaient encore remplis de dignité et de noblesse, et un santon lui aurait envié l’élégante et longue barbe noire qui ornait son menton et qui descendait jusque sur sa poitrine. Il portait une robe de chambre du plus beau velours de Gênes, à manches larges, garnie d’agrafes en or, et doublée de martre zibeline : cette robe était assujettie autour de son corps par une large ceinture de parchemin vierge, sur laquelle étaient représentés, en caractères cramoisis, les signes du zodiaque. Il se leva et salua le roi, mais avec les manières d’un homme à qui la présence d’un aussi grand personnage est familière, manières qui ne paraissaient nullement devoir compromettre la dignité qu’affectaient alors ceux qui s’adonnaient à la plus sublime des sciences.

— Vous êtes occupé, mon père, lui dit le roi ; et, à ce qu’il me semble, à cet art nouvellement inventé de multiplier les manuscrits par le moyen d’une machine. Des choses purement mécaniques et terrestres peuvent-elles occuper un seul instant la pensée d’un homme devant qui les cieux ont déroulé leurs majestueux volumes ? — Mon frère, répondit Martivalle… car c’est ainsi que l’habitant de cette cellule doit appeler le roi de France lui-même, lorsqu’il daigne venir le visiter comme un disciple… croyez que, lorsque je réfléchis sur les conséquences de cette invention, je lis, avec autant de certitude que dans toute combinaison quelconque des corps célestes, les changements les plus importants et les plus merveilleux. Quand je pense avec quelle lenteur et par quel petit nombre de canaux, moyen si borné, le fleuve de la science descend jusqu’à nous ; aux difficultés qu’éprouvent ceux qui montrent le plus d’ardeur pour s’abreuver de ses eaux ; à l’insouciance avec laquelle les négligent ceux qui ne consultent que leurs aises ; au danger de les voir détournées, peut-être même desséchées par les invasions de la barbarie : puis-je porter mes regards au devant de moi sans être étonné, sans être émerveillé à la vue des destinées qui se préparent pour les générations futures, sur qui la science