Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 19, 1838.djvu/294

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ce n’est qu’à Liège que je délivrerai mon message. Si je me faisais connaître à Guillaume de la Marck, ne serais-je pas obligé d’entrer en négociation avec lui ? et alors il est probable qu’il me retiendrait auprès de sa personne. Il faut donc que vous me fassiez sortir du château en qualité de votre écuyer ? — Passe pour mon écuyer… mais vous avez parlé de ma fille… Trudchen est, je l’espère, bien tranquille dans ma maison de Liège… et mon désir le plus ardent serait que son père pût y arriver. — Cette dame vous appellera son père, tant que nous serons dans ce château. — Et, » s’écria la comtesse en se précipitant aux pieds du bourgmestre et en embrassant ses genoux, « si vous m’accordez votre secours, il ne se passera pas un seul jour de ma vie qui ne me voie vous honorer, vous aimer comme si vous étiez mon père, et prier pour vous comme une tendre fille. Oh ! laissez-vous fléchir ! N’oubliez pas que votre fille peut tomber aux genoux d’un étranger, lui demandant et la vie et l’honneur… Songez à cela, et accordez-moi la protection que vous désireriez qu’on lui accordât. — En vérité, » dit le bon bourgeois touché de ce pathétique discours, « je crois, Peter, que cette jolie fille a quelque chose du doux regard de notre Trudchen ; je l’ai pensé dès le premier moment que je l’ai aperçue ; et ce jeune homme si pétulant, si prompt à donner son avis, a quelque chose du galant de Trudchen : je parierais un groat[1], Peter, qu’il y a de l’amour dans cette affaire, du véritable amour, et ce serait un péché de ne pas lui être secourable. — Une honte est un péché, » répondit Peterkin, honnête Flamand dont le cœur était plus tendre que la tête ; et tout en parlant ainsi, il s’essuyait les yeux avec la manche de son justaucorps. — « Elle passera donc pour ma fille, » dit Pavillon, bien enveloppée dans son grand voile de soie noire ; et s’il ne se trouve pas assez de fidèles tanneurs pour protéger la fille de leur syndic, je veux qu’ils ne trouvent plus de cuir à tanner… Mais voyons, il faut avoir une réponse prête pour chaque question… Que venait faire ma fille ici, dans un tel tumulte ? — Et que venaient y faire la moitié des femmes de Liège, qui nous ont suivis au château, si ce n’est qu’on les trouve toujours partout où elles ne devraient pas aller ? répondit Peter. Votre yungfrau Trudchen a été un peu plus loin que les autres ; voilà tout. — Bien parlé ! s’écria Quentin. Du courage meinheer Pavillon ; il ne faut qu’un peu de hardiesse ; suivez l’avis qu’il vous donne, et en conservant votre présence d’esprit vous

  1. Pièce de monnaie équivalant à trois senarf de la nôtre. a. m.