Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 19, 1838.djvu/336

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leur, ses excuses de le séparer de la belle et aimable compagne qu’il avait eue jusqu’alors, ajoutant qu’il espérait qu’un écuyer dévoué aux dames trouverait un voyage au clair de la lune plus agréable qu’un lâche sommeil, auquel il n’est permis qu’à des mortels ordinaires de s’abandonner.

Quentin, déjà suffisamment contrarié en se voyant séparé d’Isabelle, brûlait de répondre à ce sarcasme par un défi ; mais convaincu que le comte ne ferait que rire de sa colère et mépriserait ses provocations, il se décida à attendre du temps l’occasion favorable pour obtenir satisfaction de cet orgueilleux seigneur, qui lui était devenu, quoique pour des raisons bien différentes, presque aussi odieux que le Sanglier des Ardennes. Il consentit donc à obéir aux ordres de Crèvecœur, puisque la résistance était impossible ; et ils firent de compagnie et avec la plus grande célérité le chemin de Charleroi à Péronne.


CHAPITRE XXV.

L’HÔTE INATTENDU.


Le canevas des qualités humaines n’est jamais tellement bien tissé qu’il ne s’y glisse quelque défaut. J’ai vu un brave fuir devant un chien de berger ; un sage se conduire si sottement, qu’un idiot en eût rougi. Quant à votre homme du monde, si prudent, si adroit, il tend ses filets avec tant de malice et d’adresse, que souvent il est pris plus promptement que les autres.
Vieille Comédie.


Pendant son voyage nocturne, Quentin eut à lutter contre ce tourment de l’âme qu’un amant éprouve lorsqu’il se sépare, probablement pour toujours, de ce qu’il aime. Nos voyageurs, pressés par la nécessité des circonstances et par l’impatience de Crèvecœur, traversaient à la hâte les riches plaines du Hainault, guidés par la bienfaisante clarté de la lune d’août, qui éclairait de ses pâles rayons les gras pâturages, les terres boisées et les champs couverts de gerbes, tandis que le laboureur, favorisé par son éclat, poursuivait les travaux de la moisson ; car, déjà à cette époque, les Flamands étaient très-avancés en agriculture. Son éclat se répandait encore sur les larges rivières dont le cours tranquille répandait la fertilité et n’était interrompu par aucun rocher ; sur