Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 19, 1838.djvu/421

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mants contes à fabriquer sur le roi Louis, et il se fait Bourguignon, afin d’en pouvoir faire son petit profit en les racontant au duc Charles. — Si je le croyais, dit le Balafré, je lui couperais la gorge de mes propres mains, fût-il cinquante fois le fils de ma sœur. — Mais vous vous informeriez d’abord si j’ai mérité un pareil traitement, bel oncle, répondit Quentin. Quant à vous, milord, apprenez que je ne suis pas un faiseur de rapports, que ni question ni torture d’aucun genre ne serait capable de m’arracher, au préjudice du roi Louis, un mot de ce que j’ai pu apprendre pendant que j’étais à son service. Mon serment de fidélité me fait un devoir du silence ; mais je veux quitter un service dans lequel, indépendamment du danger que je puis courir en combattant mes ennemis, je me verrais exposé aux embuscades dressées par mes propres amis. — Si les embuscades lui déplaisent tant, » dit le Balafré en regardant tristement lord Crawford, « je crains bien, milord, qu’il n’y ait rien à faire de lui. J’ai eu, moi, trente embuscades à braver, et j’y ai bien été mis soixante fois au moins, car c’est la méthode favorite du roi Louis et sa manière de faire la guerre. — C’est la vérité, Ludovic, répondit lord Crawford ; néanmoins taisez-vous, car je crois entendre mieux que vous l’affaire dont il s’agit. — Plaise à Notre-Dame qu’il en soit ainsi, milord ! répondit Ludovic ; mais cela me blesse jusqu’au cœur de penser que le fils de ma sœur craigne une embuscade. — Jeune homme, dit Crawford, je devine à peu près votre affaire. Vous avez fait quelque mauvaise rencontre pendant le voyage que vous venez de faire par ordre du roi, et vous croyez avoir lieu de l’accuser d’en être l’auteur. — J’ai été menacé d’une trahison en exécutant ses ordres ; mais j’ai eu le bonheur d’y échapper. Que Sa Majesté en soit innocente ou coupable, je m’en rapporte à Dieu et à sa propre conscience. Il m’a nourri quand j’avais faim ; il m’a reçu quand j’étais inconnu et sans asile ; je ne le chargerai jamais, dans l’adversité, d’accusations qui d’ailleurs peuvent être injustes, car ce n’est que des bouches les plus viles que je les ai recueillies. — Mon brave garçon, mon cher enfant, » dit Crawford en le serrant dans ses bras, « c’est penser en véritable Écossais ! et c’est parler comme un homme qui, en voyant son ami au pied du mur, oublie ses griefs pour ne se souvenir que de sa bonté. — Puisque milord Crawford a embrassé mon neveu, dit Ludovic Lesly, je veux l’embrasser aussi. Je désirerais pourtant qu’il se persuadât bien qu’il est aussi nécessaire à un soldat d’entendre le service de