Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 19, 1838.djvu/431

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teuils d’apparat avaient été placés sous le même dais : celui du roi, plus élevé de deux marches que celui qui était destiné au duc ; et une vingtaine de sièges, préparés pour les chefs de la noblesse, s’étendaient en demi-cercle à droite et à gauche des deux trônes. De cette manière, lorsque les deux princes eurent pris place, l’accusé, si l’on peut lui donner ce nom, occupait le siège d’honneur, et semblait présider le conseil assemblé pour le juger.

Ce fut peut-être pour faire disparaître cette inconséquence et prévenir les idées qu’elle pouvait faire naître, que le duc Charles, après avoir fait une légère inclination, ouvrit brusquement la séance par le discours suivant :

— « Mes bons vassaux, mes sages conseillers, aucun de vous n’ignore combien de désordres a produits dans nos États, tant sous le règne de mon père que sous le mien, la révolte des vassaux contre leurs suzerains, et des sujets contre leurs princes ; il n’y a pas long-temps encore, nous avons eu la preuve la plus déplorable de l’excès auquel ces désordres sont parvenus de nos jours, par la fuite scandaleuse de la comtesse Isabelle de Croye, et de la comtesse Hameline sa tante, qui ont cherché un refuge auprès d’un prince étranger, renonçant ainsi à la foi qu’elles nous doivent et encourant la forfaiture de leurs fiefs ; un exemple plus affreux, plus déplorable encore, est le meurtre sacrilège de notre bien-aimé frère et allié l’évêque de Liège, et la rébellion de cette cité perfide, qui avait reçu un châtiment trop doux lors de sa dernière révolte. Nous avons été informé que ces tristes événements peuvent être imputés non-seulement à la folie, à la légèreté de deux femmes et à la présomption de quelques bourgeois enorgueillis de leurs richesses, mais aux intrigues d’une cour étrangère, aux menées d’un voisin puissant, de qui, si les bons procédés méritent d’être payés de retour, la Bourgogne n’avait droit d’attendre que la plus franche et la plus entière amitié. Si ces faits viennent à être prouvés, » continua le duc en serrant les dents et en appuyant avec force son talon contre le plancher, « quelle considération pourra nous empêcher d’employer les moyens qui sont aujourd’hui en notre pouvoir pour tarir dans leur source même les maux qui se répandent sur nous chaque année ? »

Le duc avait commencé son discours avec assez de calme ; mais il éleva la voix en le terminant, et la dernière phrase fut prononcée d’un ton qui fit trembler tous les conseillers et passer sur les