Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 19, 1838.djvu/463

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Le duc lança un regard furieux, d’abord sur d’Orléans, puis sur Louis ; et lisant sur la figure de ce dernier, malgré tous les efforts qu’il faisait pour réprimer ses sentiments, le triomphe dont il jouissait en secret, sa fureur ne connut plus aucun frein.

« Écrivez, » dit-il au secrétaire du conseil ; « écrivez notre sentence de confiscation et d’emprisonnement contre cette rebelle et insolente vassale. Qu’on la conduise à la Zucht-Haus, à la maison de pénitence, où elle aura pour compagnes celles que leur vie passée a rendues ses rivales en effronterie. »

Un murmure général s’éleva dans l’assemblée.

« Monseigneur, » dit le comte de Crèvecœur prenant la parole au nom de tous, « cette affaire mérite de plus mûres réflexions. Nous, vos fidèles vassaux, nous ne pouvons souffrir qu’un tel déshonneur soit imprimé sur la noblesse et la chevalerie de Bourgogne. Si la comtesse s’est rendue coupable, qu’elle soit punie, mais que ce soit d’une manière convenable à son rang ainsi qu’au nôtre, puisque nous sommes unis à sa maison par le sang et les alliances. »

Le duc garda un moment le silence, et fixa les yeux sur celui qui osait lui donner un tel conseil, avec l’air d’indécision d’un taureau qui, forcé par le pâtre de s’écarter du chemin qu’il veut suivre, délibère en lui-même s’il obéira, ou s’il fondra sur son conducteur pour le lancer dans les airs.

La prudence l’emporta pourtant sur la fureur ; Charles vit que le conseil se rangeait uniquement à l’opinion de Crèvecœur ; il craignait que Louis ne fît tourner à son avantage le mécontentement de ses vassaux ; et probablement (car son caractère était brusque et violent plutôt que méchant) il sentit quelque honte de l’arrêt sévère autant qu’irréfléchi qu’il venait de prononcer.

« Vous avez raison, Crèvecœur, dit-il ; j’ai parlé trop à la hâte : son sort sera décidé d’après les lois de la chevalerie. Sa fuite dans les états de Liège a été le signal du meurtre de l’évêque : celui qui tirera de ce forfait la vengeance la plus éclatante, celui qui nous apportera la tête du Sanglier des Ardennes, réclamera de nous, comme récompense, le don de sa main ; et si cette belle comtesse s’y refuse, nous nous réservons le droit d’accorder tous ses domaines au vainqueur, laissant à la générosité de celui-ci le soin de lui fournir telles sommes d’argent qu’il jugera nécessaires pour qu’elle puisse se retirer dans un couvent. — Monseigneur, dit Isabelle, songez que je suis la fille du comte de Reinold, de