Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 19, 1838.djvu/72

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comme les Bourguignons, d’aller le dos nu pour avoir l’avantage de se remplir le ventre ; ils sont vêtus comme des comtes, et font bombance comme des abbés. — Grand bien leur fasse ! — Et pourquoi ne pas prendre du service ici, jeune homme ? Votre oncle pourrait, je n’en ai aucun doute, vous faire inscrire sur le contrôle dès qu’il surviendrait une place vacante. Approchez, que je vous dise un mot à l’oreille : j’ai moi-même quelque crédit, et je pourrais vous être de quelque utilité. Je m’imagine que vous savez monter à cheval, aussi bien que tirer de l’arc ? — Tous les Durward sont aussi bons écuyers que qui que ce soit qui ait jamais placé son soulier ferré dans un étrier d’acier ; et je ne dis pas que je refuse votre offre obligeante. La nourriture et le vêtement sont deux choses de première nécessité ; mais, voyez-vous, à mon âge, on pense à l’honneur, à l’avancement, à de hauts faits d’armes. Votre roi Louis… que Dieu le protège, car il est ami et allié de l’Écosse… mais il se tient sans cesse renfermé dans son château, ou ne monte à cheval que pour aller d’une ville fortifiée à une autre : il gagne des villes et des provinces par des ambassades politiques, et non par de bonnes batailles. Eh bien ! quant à moi, je suis de l’avis des Douglas, qui étaient toujours en campagne, parce que, disaient-ils, ils aimaient mieux entendre le chant de l’alouette que le cri de la souris[1]. — Jeune homme, ne jugez pas si témérairement des actions des souverains. Louis cherche à épargner le sang de ses sujets, et est très-peu ménager du sien. Il s’est montré homme de courage à Montlhéry. — Oui, mais il y a de cela une douzaine d’années, ou davantage. Moi, j’aimerais à suivre un maître qui voulût conserver son honneur aussi brillant que le poli de son bouclier, et toujours se jeter le premier au plus fort de la mêlée. — Pourquoi donc n’êtes-vous pas resté à Bruxelles avec le duc de Bourgogne ? Chaque jour, il vous mettrait à même de vous faire rompre les os ; et plutôt que de vous leurrer d’un vain espoir, il vous les romprait lui-même, surtout s’il apprenait que vous avez frappé son garde-chasse. — Cela est vrai ! Ma mauvaise étoile m’a fermé cette porte. — Au reste, il ne manque pas de gens turbulents qui braveraient le diable en personne, et auprès de qui de jeunes étourdis peuvent trouver du service. Par exemple, que pensez-vous de Guillaume de la Mark ? — Quoi ! l’homme à la longue barbe !… le Sanglier des Ardennes ! Vous me parlez de servir un capitaine de pillards et d’assassins, un scélérat qui ôterait la vie à

  1. Vieux proverbe écossais. a. m.