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LES CHRONIQUES DE LA CANONGATE.

un martyr au calendrier du Covenant dans la personne du père de l’historien de la famille. Cependant, comme dit le manuscrit, « il retira la gerbe à la jument[1], et accepta les conditions du pardon offertes par le gouvernement, s’engageant par écrit à ne plus donner à l’avenir d’autre motif de mécontentement. Mon grand-père glisse sur cette apostasie aussi légèrement qu’il le peut, et se console en attribuant ce manque de résolution à la répugnance que son père éprouvait à voir périr l’ancien nom de sa famille, et à laisser confisquer ses biens et ses héritages.

« Et en vérité, ajoute le vénérable compilateur, comme grace à Dieu, nous rencontrons rarement en Écosse de ces voluptueux qui, se faisant un dieu de leur ventre, sont assez dénaturés pour dévorer en folies et en débauches le patrimoine que leur ont légué leurs ancêtres, de manière à être obligés, comme l’enfant prodigue, à en revenir aux épluchures et à l’auge aux pourceaux ; et comme j’ai moins à redouter dans ma famille ces espèces de Nérons, capables de dévorer leur propre substance, à l’instar des bêtes brutes et par pure gloutonnerie, en conséquence, je n’ai besoin que de mettre mes descendants en garde contre toute tentation trop précipitée de se mêler des changements qui surviennent dans l’État, soit en matière de religion, soit en matière de gouvernement, imprudence qui, comme nous l’avons vu, faillit conduire la pauvre maison de Croftangry droit à sa perte. Et, à tout prendre, je ne voudrais pourtant pas que mes descendants restassent assis tranquillement chez eux lorsque les intérêts de l’Église ou du roi réclameraient leurs services ; mais je voudrais qu’ils attendissent, pour se lever, que les plus puissants et les plus riches fussent debout, de manière à avoir plus de chances de succès au jour du danger, et à s’assurer qu’en cas de défaite les vainqueurs, ayant une plus grasse proie, seraient comme les faucons bien repus qui dédaignent le menu gibier.

Il y avait dans cette conclusion quelque chose qui, à la première lecture, me piqua extrêmement, et je fus assez dénaturé pour maudire ces réflexions, comme autant de raisonnements pauvres, détestables, et de billevesées pitoyables, comme le radotage insignifiant d’un vieux fou. Mon premier mouvement fut donc de jeter le manuscrit au feu, d’autant plus qu’il me rappelait,

  1. He took the sheaf from the mare, c’est-à-dire qu’il abjura ses principes politiques et que, au lieu de rester jacobite, il accepta le pardon offert par la maison de Hanovre. a. m.