Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 20, 1838.djvu/10

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cente, ferme et respectueuse. Sa femme se jeta elle-même, en trois occasions différentes, aux pieds de Georges II et des membres de la famille royale, et trois fois elle fut rudement repoussée de leur présence ; enfin, dit-on, elle fut mise en prison avec son mari, et traitée avec une extrême rigueur.

Finalement, le docteur Caméron fut exécuté suivant toute la sévérité de la loi, et sa mort resta dans la croyance du peuple comme une tache de sang sur la mémoire de Georges II ; elle fut presque publiquement imputée à la haine personnelle et méprisable que le monarque portait à Donald Caméron de Lochiel, l’héroïque frère de la victime.

Cependant, quelle que soit la cause politique ou autre à laquelle on rapporte l’exécution d’Archibald Caméron, on peut certainement prouver que les ministres du roi agirent en cette occasion par des raisons d’une nature publique. L’infortunée victime n’était pas venue parmi les Highlands seulement pour ses affaires privées, comme on le pensait généralement. Mais le ministère anglais ne jugea pas prudent de divulguer qu’il y était allé prendre des informations sur ce qu’était devenue une somme d’argent considérable, envoyée de France pour les amis de la famille exilée. Il était aussi chargé de s’entendre avec le célèbre M’Pherson de Cluny, chef du clan Yourich, que le Chevalier avait laissé en Écosse, à son départ de ce pays en 1746, et qui y resta pendant dix ans de proscription et de dangers, errant d’asile en asile dans les montagnes, et servant de centre à une correspondance suivie entre Charles et ses amis. Que le docteur Caméron ait été chargé d’aider ce chef à rassembler les étincelles dispersées du mécontentement, c’est une conjecture qui paraît assez naturelle, et qui, vu ses principes politiques, ne peut être déshonorante pour sa mémoire. Mais on ne doit pas blâmer Georges II de ne pas avoir suspendu l’exécution des lois à l’égard d’un homme qui cherchait à les renverser. Ayant perdu cette hasardeuse partie, le docteur la paya d’un prix qu’il devait avoir calculé. Les ministres pensèrent pourtant que l’on devait taire les nouveaux plans du docteur Caméron, de peur d’indiquer, en les divulguant, le canal, bien connu de nos jours, par lequel ils étaient informés de tous les desseins de Charles-Édouard. Néanmoins il fut également imprudent et peu généreux de sacrifier le caractère personnel du roi à la politique de l’administration. On eût atteint les deux buts à la fois, en épargnant la vie du docteur Caméron