Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 20, 1838.djvu/16

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écossais qui peuvent compter soixante ans, se rappelleront plusieurs personnages respectables du temps de leur jeunesse, qui, comme l’exprime poliment la phrase convenue, avaient été dehors[1] en l’an quarante-cinq. On peut dire qu’après cette époque leurs principes politiques ne firent pas plus de prosélytes que leurs plans de campagne ne causèrent de terreur. Ceux qui tenaient encore à ce parti avaient cessé d’être un sujet de crainte ou un obstacle. Les jacobites étaient regardés dans la société comme des hommes qui avaient prouvé leur sincérité en sacrifiant leurs intérêts à leurs principes ; et, dans la bonne compagnie, on pensait qu’il n’y avait qu’un homme mal élevé qui pût injurier leurs sentiments ou ridiculiser les espèces de compromis par lesquels ils tâchaient de maintenir leur position en face des opinions dominantes. Tel fut, par exemple, le moyen évasif d’un gentilhomme fort riche du Perthshire, qui, lorsqu’on lui lisait les journaux, proposait de désigner le roi et la reine par les lettres initiales de K et Q, comme si en disant le nom entier, cela pouvait impliquer une reconnaissance de l’usurpation de la maison de Hanovre. Georges III, ayant entendu parler de la coutume de ce gentilhomme et de quelques autres particularités qui le distinguaient encore, chargea un député du Perthshire de faire ses compliments au fidèle jacobite, « Non pas, ajouta le bon et respectable prince, les compliments du roi d’Angleterre, mais ceux de l’électeur de Hanovre ; et dites-lui combien je respecte sa fidélité à ses principes. »

Ceux qui se souviennent de ces vieillards conviendront probablement que le temps, qui dans sa marche les a tous moissonnés, a emporté avec eux un trait particulier et frappant des mœurs antiques. Leur amour des temps passés, leurs histoires de batailles sanglantes livrées pour de romantiques querelles, tout cela était cher à l’imagination. Leur petite idolâtrie pour les boucles de cheveux, les portraits, les bagues, les rubans, et autres souvenirs du temps dans lequel ils paraissaient vivre encore, offrait en eux les symptômes d’un enthousiasme intéressant ; et, quoique leurs principes politiques eussent pu devenir dangereux à la dynastie régnante, si ces gentilshommes avaient eu sur la génération d’alors l’autorité de pères, cependant, tels que nous nous les rappelons maintenant, il n’y a point d’hommes sur la terre qui

  1. C’est-à-dire avaient pris les armes. a. m.