Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 20, 1838.djvu/228

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l’autre côté de la frontière, en Écosse ; mais il n’est que rarement parmi nous, hormis dans la saison de la chasse ; et alors nous l’appelons simplement le squire, et mon maître et ma maîtresse l’appellent de même.

— Et, est-il ici pour le moment ?

— Non, il n’y est pas. Il est à chasser le daim, dit-on, un peu au-delà de Patterdale ; mais il va et vient comme un tourbillon de vent. »

Je rompis alors la conversation, après avoir forcé Dorcas à accepter encore une pièce d’argent pour acheter des rubans ; ce dont elle fut si charmée, qu’elle s’écria : « Dieu ! Cristal Nixon peut dire de vous tout le mal qu’il voudra ; mais vous êtes vraiment un monsieur bien poli, et un homme bien tranquille avec les femmes. »

Il n’est pas raisonnable d’être trop tranquille avec les femmes : aussi ajoutai-je un baiser à mon offrande ; et je ne puis m’empêcher de croire que je me suis fait une amie de Dorcas. Du moins elle rougit en recevant d’une main mon petit compliment, tandis que de l’autre elle rajustait les rubans couleur de cerise un peu dérangés dans la lutte qu’il m’en coûta pour obtenir l’honneur d’une embrassade.

Comme elle ouvrait la porte de la chambre pour sortir, elle se retourna, et me regardant avec un air de tendre compassion, elle ajouta ces mots : « Là ! — fou ou non, c’est un brave jeune homme malgré tout. »

Il y avait quelque chose de frappant dans ces paroles d’adieu, et qui semblait me fournir l’explication du prétexte sous lequel j’étais détenu. Ma conduite était probablement assez folle, lorsque j’étais agité en même temps par le délire qu’occasionne la fièvre, et par l’inquiétude que produisait en moi ma situation extraordinaire ; mais est-il possible que maintenant on trouve dans l’état de mon esprit un prétexte pour me détenir encore ?…

Si telle est réellement la raison qui m’a fait ravir la liberté, il n’y a plus alors que la paisible uniformité de mes actions qui puisse détruire les préjugés que ces circonstances peuvent avoir excités dans les esprits de tous ceux qui m’approchaient pendant ma maladie. — J’ai entendu… souvenir terrible ! parler de gens qui, enfermés pour différentes raisons autres que la folie, dans des maisons particulières de fous, se sont trouvés, après des années de misère, avoir eux-mêmes la tête dérangée, par suite d’une irrésistible sympathie avec les êtres misérables parmi les-