Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 20, 1838.djvu/270

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pectable hôte, M. Alexandre Fairford, peut aussi, et avec raison, avoir parlé à cet homme de ma légèreté ; mais il reconnaîtra qu’il établit un calcul faux sur ces données plausibles, puisque… Il faut que je m’arrête ici pour le moment.


CHAPITRE IX.

CONTINUATION DU JOURNAL DE DARSIE LATIMER.

L’AVEUGLE.


Voici donc une halte ! — Enfin je suis parvenu à être assez seul pour pouvoir continuer mon journal ; il est devenu pour moi une sorte de tâche et de devoir, et, quand je manque à les remplir, il me semble que ma journée n’a pas été complète. Il est vrai que l’œil d’un ami peut ne s’arrêter jamais sur le travail qui a su amuser les heures solitaires d’un malheureux prisonnier : pourtant l’exercice de la plume paraît avoir l’action d’un calmant sur l’agitation de mes pensées et sur le tumulte de mes passions. Je ne l’ai jamais quittée sans me lever et plus ferme dans ma résolution, et plus ardent dans mes espérances. Des milliers de craintes vagues, d’attentes bizarres et de projets mal dirigés se pressent dans l’esprit d’une personne en butte au doute et au danger ; mais, en les arrêtant tandis qu’elles passent avec rapidité, en les jetant sur le papier, et même en nous forçant, par cet acte mécanique, à les considérer avec une attention plus soutenue et plus minutieuse, nous pouvons éviter de devenir les dupes de notre imagination exaltée : absolument comme on guérit un jeune cheval du défaut de la peur, en le contraignant à rester tranquille et à regarder plusieurs instants de suite l’objet qui l’a effrayé.

On ne court qu’un risque, qui est celui d’être découvert. Mais, d’abord, j’ai contracté l’habitude d’une écriture très-serrée durant mon séjour chez M. Fairford, dans le but de copier autant de rôles que possible sur une grande feuille de papier timbré. En outre, j’ai fait, comme il m’est déjà arrivé de le dire ailleurs, j’ai fait cette consolante réflexion que, si le récit de mes infortunes tombait entre les mains de celui qui en est l’auteur, il pourrait, sans nuire à qui que ce soit, lui montrer le caractère véritable et