Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 20, 1838.djvu/327

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’affaires je suis assis sous ma vigne et sous mon figuier, échangeant les liqueurs fortes du Nord contre l’or qui en est le prix, je n’ai, grâce au ciel, aucun déguisement à prendre avec personne, et je porte mon propre nom de Thomas Trumbull, sans courir aucun risque de le voir insulté. Au reste, vous qui allez voyager dans de mauvais chemins et avec d’étranges gens, vous pourriez bien avoir deux noms, comme vous avez deux chemises, l’une servant à tenir l’autre blanche. »

Là, il fit entendre un grognement sourd qui dura exactement deux vibrations d’une pendule, et c’était la seule manière de rire à laquelle le vieux Turnpenny eût l’habitude de se livrer.

« Vous avez de l’esprit, monsieur Trumbull, dit Fairford ; mais des plaisanteries ne sont pas des arguments : — je garderai mon vrai nom.

— Comme il vous plaira, répondit le marchand ; il n’y a qu’un seul nom qui… » etc., etc.

Nous ne terminerons pas la citation impie des paroles sacrées que l’hypocrite débita tout entière pour clore la discussion.

Alan le suivit, muet et plein d’horreur, dans le renfoncement où était placé le buffet, et ce buffet était construit de manière à cacher une autre de ces trappes qui étaient si abondantes dans tout le bâtiment. Cette issue secrète les ramena dans le corridor tortueux par lequel le jeune avocat était venu. La direction qu’ils suivirent alors dans ce labyrinthe différait de celle qu’avait prise Rutledge en amenant Fairford. Le chemin montait toujours, et il aboutit à une fenêtre de grenier. Trumbull l’ouvrit, et avec plus d’agilité que son âge ne promettait, il grimpa sur les plombs. Si jusque-là Fairford avait marché dans une atmosphère épaisse et dans des souterrains, il voyagea alors au milieu d’un air assez pur ; car il lui fallut suivre son guide sur les gouttières et les ardoises que le vieux contrebandier parcourait avec la dextérité d’un chat. Il est vrai que sa marche était facilitée par la connaissance exacte des endroits où il devait poser le pied et s’accrocher de la main, chose que Fairford ne pouvait pas faire aussi aisément ; mais, après un voyage difficile et parfois périlleux sur les toits de deux ou trois maisons, ils descendirent enfin par une lucarne dans un grenier, et par un escalier du grenier dans un cabaret ; car le bruit des sonnettes, les cris de « Holà ! garçon ! — quelqu’un ici ! » — et des chœurs de chansons navales, outre d’autres bruits de ce genre, annonçaient la destination du lieu.