Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 20, 1838.djvu/37

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espèce de propension secrète vers le mal, quoique avec plus de penchant à le vouloir faire que d’adresse à l’accomplir. Je ne puis que rire intérieurement, lorsque je me rappelle avoir vu mon très-vénérable censeur, le futur président de quelque haute cour d’Écosse, souiller, haleter et se débattre, comme un gros cheval de charrette dans une fondrière, où ses efforts maladroits l’enfoncent de plus en plus profondément, jusqu’à ce que quelqu’un, — moi, par exemple, — prenne pitié de l’animal souffrant, et le tire par la crinière ou par la queue.

Quant à moi, mon portrait, s’il se peut, est une caricature encore plus scandaleuse. Moi, faillir ou perdre courage dans le danger ! Où avez-vous vu le moindre symptôme du caractère faible dont vous me gratifiez, simplement, je pense, pour mettre en relief la solide et impassible dignité de votre stupide indifférence ? Si jamais vous me vîtes trembler, soyez sûr que mon corps lui seul, comme celui du vieux général espagnol, s’effrayait des dangers dans lesquels mon esprit l’allait conduire. Sérieusement, Alan, une telle pauvreté d’énergie est une rude accusation à porter contre un ami. Je me suis examiné d’aussi près que j’ai pu, un peu blessé, à vrai dire, de vous voir une si triste idée de moi, et, sur ma vie ! impossible d’en trouver le motif. J’accorde que vous avez peut-être quelque avantage sur moi par la fermeté et l’insouciance de votre caractère ; mais je me mépriserais moi-même, si j’avais pu manquer de courage comme vous me l’imputez. Néanmoins, je suppose que ces avis peu flatteurs viennent d’une sincère inquiétude pour ma sûreté, et, sous ce point de vue, je les reçois, comme j’avalerais la médecine que m’aurait prescrite un docteur bienveillant, quoique je crusse dans mon cœur qu’il s’est mépris sur mon mal.

Sauf cette offensante insinuation, je vous remercie, Alan, du reste de votre épître. Il me semble entendre votre bon père prononcer le mot Noble-House, avec un mélange de mépris et de déplaisir, comme si le nom même du pauvre petit village lui était odieux, ou comme si vous eussiez choisi dans toute l’Écosse le lieu où précisément vous ne deviez pas dîner. Mais s’il avait une aversion particulière pour cet innocent village et la méchante auberge, n’est-ce pas sa faute à lui, si je n’ai pas accepté l’invitation du laird de Glengallacher, de courre un daim dans ce qu’il appelle emphatiquement « son pays ? » La vérité est que j’avais un violent désir de me rendre à l’invitation de Sa Seigneurie.