Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 20, 1838.djvu/407

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courage dont vous êtes si fière, et que vous obéissiez à mes ordres. Mais faites-le avec calme et célérité, car il y va de cent vies !

— Hélas ! que puis-je faire ? » demandai-je, presque morte de terreur.

« Seulement être prompte à exécuter mes ordres ; dit-il, il ne s’agit que de relever et de jeter un gant. — Tenez, le voici ; prenez-le dans votre main ; — mettez la queue de votre robe par-dessus ; soyez calme, ferme et prête, ou, à tout risque, j’y vais moi-même.

— Si l’on ne médite aucun acte de violence… » répondis-je en prenant machinalement le gantelet de fer qu’il me mettait dans la main.

Je ne pouvais m’imaginer où il voulait en venir ; mais, dans l’exaltation d’esprit où je le voyais, j’étais convaincue que la désobéissance de ma part amènerait quelque terrible explosion. La nécessité du moment m’arma d’une soudaine présence d’esprit, et je résolus de tout faire pour éviter la violence et l’effusion du sang. Je ne fus pas long-temps tenue en suspens. Aux bruyantes fanfares des trompettes et aux voix des hérauts se mêlèrent des trépignements de pieds de chevaux : un champion armé de toutes pièces, comme ceux qu’on rencontre dans les romans, accompagné d’écuyers, de pages et de tout un cortège de chevalerie, s’avança en caracolant sur un coursier barbe. Le défi qu’il portait à quiconque oserait contester le titre du nouveau souverain fut prononcé à voix haute, — une et deux fois.

« Partez à la troisième, me dit mon oncle ; apportez-moi le gage de ce beau fanfaron, et laissez le mien en place. »

Je ne pouvais concevoir comment j’y pourrais parvenir, attendu que nous étions entourés et pressés de toutes parts. Mais, lorsque les trompettes sonnèrent une troisième fois, un passage s’ouvrit comme par enchantement entre moi et le champion, et la voix de mon oncle me dit : « À présent, Lilias, à présent ! »

D’un pas précipité, mais ferme, et avec une hardiesse que je n’ai jamais pu m’expliquer depuis, j’exécutai ma périlleuse mission. À peine me vit-on, je crois, échanger les gages du cartel, et je me retirai en un instant. « Noblement fait, ma fille ! » me dit mon oncle, à côté de qui je me trouvai, tandis que les assistants se resserraient autour de nous. « Couvrez notre retraite, messieurs, » dit-il à voix basse à ceux qui l’environnaient.

Place nous fut faite jusqu’à la muraille, qui sembla s’ouvrir