Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 20, 1838.djvu/54

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La vieille femme branla la tête, baisa la croix suspendue au bout de son rosaire, et resta muette.

« Mabel ne veut point demander la bénédiction pour un hérétique, » reprit le maître de la maison, avec la même ironie sur le visage et dans la voix.

Au même moment, la porte latérale déjà mentionnée s’ouvrit, et la jeune femme (elle était jeune en effet), que j’avais d’abord vue à la porte de la chaumière, s’avança de quelques pas dans la chambre, puis s’arrêta timidement comme si elle eût observé que je la regardais, et demanda au maître de la maison s’il avait appelé.

— J’ai seulement parlé assez haut pour me faire entendre de la vieille Mabel, » répliqua-t-il ; puis comme elle se détournait pour se retirer, il ajouta : « et pourtant, c’est une honte qu’un étranger voie une maison où personne de la famille ne puisse ou ne veuille dire le benedicite. — Soyez donc notre chapelain. »

La jeune fille, qui était vraiment jolie, s’avança avec une gracieuse modestie, et, ne se doutant pas sans doute qu’elle fît une chose extraordinaire, elle récita les paroles consacrées, d’une voix argentine et avec une simplicité touchante ; — ses joues se colorant juste assez pour montrer que, dans une occasion solennelle, elle se serait sentie plus embarrassée.

Maintenant, Alan Fairford, si vous attendez une description de cette jeune dame, qui vous autorise à vous moquer de moi pour avoir vu une Dulcinée dans l’habitante d’une chaumière de pêcheur, près du golfe de Solway, vous serez désappointé ; car, après vous avoir dit qu’elle me semblait vraiment jolie, et que c’était une douce et docile créature, j’ai dit à son sujet tout ce que je vous pouvais dire. Elle disparut quand le bénédicité fut dit.

Mon hôte, avec une remarque sur le froid que nous avions éprouvé en route, et sur l’air vif des sables de la Solway, remarque à laquelle il ne paraissait pas souhaiter de réplique, chargea mon assiette d’une des grillades de Mabel, et qui, avec des pommes de terre servies dans une large écuelle, formaient tout notre festin. Le jus de citron donna à ce mets un goût infiniment plus relevé que l’assaisonnement ordinaire du vinaigre ; et je vous assure que rien de tout ce que j’avais éprouvé jusque-là, soit curiosité soit soupçon, ne m’empêcha de faire un excellent repas. Pendant toute sa durée il se passa peu de chose entre mon hôte et moi ; il fit les honneurs ordinaires de la table, avec poli-