Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 20, 1838.djvu/62

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pourtant, même ici, il y a besoin d’un peu de précaution. Ce chapelain femelle… vous en parlez si peu, et vous parlez tant des autres personnages, qu’il s’élève sur ce point des doutes en mon esprit. Elle est vraiment jolie, je crois, — et c’est là tout ce que votre discrétion m’apprend. Il est des cas où le silence en dit plus long qu’on ne veut. Aviez-vous honte ou peur, Darsie, d’entonner les louanges de la vraiment jolie diseuse de bénédicité ? — Aussi sûr que j’existe, vous rougissez ! Allons donc ; est-ce que je ne vous connais pas pour un infatigable écuyer des dames ? n’ai-je pas été souvent dans votre confidence ? Un bras élégant qui se montrait lorsque le reste de la personne était caché dans une vaste pelisse, ou une cheville et un cou-de-pied bien tournés, vus par hasard pendant que celle qui les possédait traversait l’allée de la vieille assemblée[1], tout cela ne vous a-t-il pas tourné la tête durant huit jours ? Vous fûtes un jour séduit, si je m’en souviens bien, par un seul regard d’un œil sans pareil qui, lorsque la belle dame leva son voile, se trouva être littéralement sans son pareil. Et, une autre fois, n’êtes-vous pas devenu amoureux d’une voix, — rien que d’une voix qui accompagnait la psalmodie dans la vieille église des Moines gris, jusqu’à ce que vous eussiez découvert que ce doux organe appartenait à miss Dolly Mac Izzard « bossue par derrière et par devant ? »

Toutes ces choses considérées et contrastant avec votre adroit silence au sujet de cette néréide qui vous récita le bénédicité, je dois vous prier de vous expliquer davantage sur ce point dans votre première lettre, à moins que vous ne vouliez me faire conclure que vous songez à elle plus que vous ne voulez le dire.

Vous ne vous attendez pas que je vous donne beaucoup de nouvelles sur ce pays, puisque vous connaissez la monotonie de ma vie, et que vous n’ignorez pas que je dois à présent me livrer à une étude continue. Vous avez dit cent fois que je ne pourrais faire mon chemin qu’à force de piocher ; il faut donc que je pioche.

Mon père semble s’apercevoir de votre absence plus que les premiers jours de votre départ. Il voit bien que nos repas solitaires n’ont plus cette gaieté que votre humeur joviale y répandait d’habitude, et il se laisse aller à cette mélancolie qui nous surprend lorsque la lumière du soleil ne brille plus à l’horizon. S’il est ainsi attristé, vous pouvez concevoir combien je le

  1. Cette allée maintenant déserte, était autrefois le passage le plus fréquenté pour se rendre de High-Street (Haute-Rue), dans les faubourgs du sud. a. m.