Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 20, 1838.djvu/88

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bonnet serré allait parfaitement à des yeux qui avaient la douceur et la simplicité de ceux d’une tourterelle. Ses traits étaient aussi fort gracieux, quoiqu’ils eussent un peu souffert de cette ennemie déclarée de la beauté, la petite vérole : ce désavantage était racheté en partie par une bouche bien faite, par des dents pareilles à des perles, et par un sourire vraiment enchanteur, qui semblait souhaiter bonheur en ce monde et dans l’autre à ceux à qui elle parlait. Vous ne pouvez tirer ici aucune de vos ridicules conclusions, Alan, car je vous ai donné un portrait en pied de Rachel Geddes : de sorte qu’il vous est impossible de dire en ce cas, comme dans votre dernière lettre, que j’ai été sobre de détails, parce que je craignais de m’étendre sur un pareil sujet. — Nous reviendrons là-dessus.

Nous procédâmes donc au déjeuner après un bénédicité, ou plutôt une prière improvisée que Josué prononça et que l’esprit lui fit prolonger plus long-temps que je ne le désirais. Alors, Alan, je me mis à expédier les bonnes choses qui composent un repas du matin avec une voracité dont vous n’avez pas été le témoin depuis que vous déjeunez sans Darsie Latimer. Thé et chocolat, œufs, jambon et pâtisserie, sans oublier le poisson grillé, disparaissaient avec une promptitude dont mes bons hôtes paraissaient émerveillés : ils ne discontinuaient pas de surcharger mon assiette, comme pour voir s’il était possible de me rassasier. Une circonstance, cependant, me rappela où j’étais. Miss Geddes m’avait offert un morceau de gâteau que j’avais refusé dans le moment ; mais, presque aussitôt après, voyant le plat à ma portée, j’allongeai le bras pour en prendre une tranche : je venais de la poser sur mon assiette lorsque Josué mon hôte, non pas avec l’air du docteur de Sancho, Tirtea Fuera, mais d’une manière fort calme et fort tranquille, me l’enleva pour la remettre dans le plat, en se contentant de dire : « Tu viens de la refuser, ami Latimer. »

Ces bonnes gens-là, Alan, n’ont aucune indulgence pour ce que votre digne père appelle le privilége des habitants d’Aberdeen, celui de « retirer sa parole ; » ce que le sage appelle « seconde pensée. »

Sauf cette petite leçon, il n’y eut rien de particulier dans la réception qu’on me fit, sinon, toutefois, que je dus remarquer la bonté constante et empressée dont toutes les attentions de mes nouveaux amis étaient accompagnées, comme s’ils eussent été