Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/141

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stance de leurs voisins moins puissants, dépouillant même les voyageurs que leur mauvaise étoile amenait dans les environs de la retraite du vautour, et cela, durant une année ; puis, la suivante, fatiguant les autels du repentir de leurs fautes, accablant les prêtres de riches présents, au moyen des trésors qu’ils y avaient pillés, et enfin, s’engageant par des vœux, faisant des pèlerinages, tantôt comme pénitents et tantôt comme croisés, jusqu’à Jérusalem même, pour expier des crimes qu’ils avaient commis sans la moindre hésitation, sans le plus léger scrupule. — Telle fut en effet, m’a-t-on dit, l’histoire de la maison de Geierstein, jusqu’à ce qu’Arnold ou ses aïeux immédiats échangeassent la lance contre la houlette de berger.

« Mais on prétend que les puissants et riches barons d’Arnheim, en Souabe, dont la descendante unique devint l’épouse du comte Albert de Geierstein, et mère de cette jeune personne que les Suisses appellent simplement Anne, et les Allemands, comtesse Anne de Geierstein, étaient des nobles d’une espèce différente. Ils ne renfermaient pas leur vie dans les limites du péché et du repentir… ils ne se bornaient pas à piller d’inoffensifs paysans et à engraisser de gros moines ; mais ils se distinguaient par des actions plus éclatantes que celles de bâtir des châteaux avec des donjons et des chambres de torture, de fonder des monastères avec des dortoirs et des réfectoires.

« Ces mêmes barons d’Arnheim étaient des hommes qui travaillaient à étendre les bornes des connaissances humaines, et qui convertirent leur château en une espèce de collège, où il y avait plus d’anciens volumes que les moines n’en ont empilé dans la bibliothèque de Saint-Gall. Leurs études ne se bornèrent pas aux livres seuls. Enfoncés, presque ensevelis dans leurs laboratoires particuliers, ils découvrirent des secrets qui se transmirent ensuite dans la famille de père en fils, et l’on prétend qu’ils pénétrèrent, aussi loin que possible, dans les mystères les plus cachés de l’alchimie. La renommée de leur sagesse et de leur opulence arriva souvent jusqu’au trône impérial, et dans les fréquentes disputes que les empereurs eurent autrefois avec les papes, on dit qu’ils étaient encouragés, sinon excités même par les conseils des barons d’Arnheim, et soutenus par leurs trésors. Ce fut peut-être cette conduite politique, jointe aux études extraordinaires et mystérieuses que la famille d’Arnheim poursuivit si long-temps, qui excita contre elle l’opinion généralement reçue qu’elle était aidée dans ses recher-