Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/143

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leurs comptes avec l’Église chrétienne. Mais les seigneurs d’Arnheim, quoique ne recherchant jamais l’occasion de se battre, n’étaient nullement étrangers à la guerre, ni incapables de se défendre. Quelques uns, au contraire, appartenant à cette race odieuse, n’étaient pas moins remarquables comme braves chevaliers que comme vaillants hommes d’armes. D’ailleurs, ils étaient riches, défendus et protégés par de grandes alliances, sages et prudents enfin à un éminent degré. Les gens qui s’attaquaient à eux s’en convainquaient à leurs dépens.

« Les confédérations formées contre les seigneurs d’Arnheim se dissolvaient bientôt ; les attaques que méditaient leurs ennemis étaient prévues et déconcertées ; ceux qui employaient la violence ouverte étaient toujours repoussés avec des pertes considérables : tellement qu’enfin on commença généralement à croire dans le voisinage que, pour être instruits à l’avance et avec tant d’exactitude des projets médités contre eux, pour réussir toujours avec tant de bonheur à les combattre et à les déjouer, il fallait que les odieux barons eussent à leur portée des moyens de défense qu’aucune force, simplement humaine, ne pouvait vaincre ; de sorte que, devenant aussi redoutés que haïs, ils furent laissés en repos par la dernière génération. Et la chose est d’autant moins étonnante, que les nombreux vassaux de cette grande maison étaient extrêmement contents de leurs seigneurs féodaux. Toujours prêts à se lever en masse pour leur défense, ils étaient disposés à croire leurs maîtres, fussent-ils sorciers ou non, s’imaginant qu’ils ne gagneraient rien à leur refuser soumission et à se tourner contre eux en se joignant aux croisés de cette nouvelle guerre sainte ou aux prêtres qui cherchaient à la susciter. La race de ces barons finit dans Herman d’Arnheim, aïeul maternel d’Anne de Geierstein. Il fut enterré avec son casque, son épée et son bouclier, comme le veut la coutume allemande à l’égard du dernier héritier mâle d’une famille noble.

« Mais il laissa une fille unique, Sybilla d’Arnheim, qui hérita d’une partie considérable de ses domaines ; et je n’ai jamais entendu dire que la forte imputation de sorcellerie attachée à sa maison ait empêché les nombreuses demandes qui furent adressées par des personnes de la plus haute distinction dans l’empire, à son tuteur légal, l’empereur, pour obtenir la main de la riche héritière. Albert de Geierstein, quoique exilé, obtint pourtant la préférence. Il était brave et bien fait, qualités qui le recommandèrent beau-