Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/202

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« Donne-moi maintenant l’habit de novice, dit le vénérable père, et par dessus je mettrai ce vêtement de prêtre. Puisque pour le moment je porte certains objets qui tiennent un peu à ce monde, il est convenable que je les recouvre d’un double habit ecclésiastique. »

En parlant ainsi il souriait amèrement ; et son sourire avait quelque chose de plus horrible, de plus effrayant que l’air sombre qui allait mieux à ses traits et qui en était l’expression ordinaire.

« Et maintenant, dit-il, qu’attends-tu, jeune fou, quand la vie et la mort dépendent de ta vitesse ? »

Le jeune émissaire n’attendit pas une seconde admonition, mais descendit d’un seul saut tout l’escalier, comme si ce n’eût été qu’une marche, trouva la poterne, ainsi que le prêtre l’en avait prévenu, barrée seulement à l’intérieur ; et si ces barres n’avaient pas été rouillées, il les aurait levées sans la moindre peine. Il en vint à bout néanmoins, et se trouva au bord du fossé, dont l’eau paraissait verte et bourbeuse. Sans s’arrêter à examiner si elle était haute ou basse, et presque sans s’apercevoir de la résistance que lui opposaient les herbes, le jeune Anglais se fraya un passage au travers, et atteignit la rive opposée sans attirer l’attention des deux dignes bourgeois de La Ferette qui gardaient les barrières. L’un d’eux, à la vérité, s’occupait attentivement à lire une chronique profane ou une légende religieuse ; l’autre ne mettait pas moins d’attention à examiner le bord du fossé, où il pêchait peut-être des grenouilles et des anguilles, car il portait sur son épaule une gibecière qui semblait destinée à recevoir le produit de sa pêche.

Voyant que, comme le prêtre l’avait annoncé, il n’avait rien à craindre de la vigilance des sentinelles, Arthur s’élança contre la palissade, dans l’espérance de saisir le haut des pieux, et alors de la franchir d’un seul saut ; mais il s’était trop fié à son agilité, ou bien elle avait été diminuée par les liens dont on l’avait garrotté et par son emprisonnement. Il retomba doucement à terre, et, en se remettant sur pied, il remarqua un soldat vêtu de jaune et de bleu, couleurs d’Hagenbach, qui accourait vers lui en criant aux paresseuses et négligentes sentinelles : « Alarme ! alarme !… pourceaux de fainéants ! arrêtez le chien qui se sauve, ou vous êtes tous deux des hommes morts. »

Le pêcheur qui se trouvait le plus rapproché, jeta par terre sa ligne à anguille, tira son épée, et, la faisant tourner sur sa tête, il s’avança vers Philipson sans trop se hâter. Le lecteur fut encore