Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/205

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une hache, et un bourreau pour me trancher la tête quand il aura fini. Mais je n’exposerai jamais le cou du fils de mon père à un pareil risque. S’ils assassinent un colporteur anglais qui ne les a jamais offensés, que feront-ils à l’Ours de Berne dont les dents et les griffes sont déjà connues de sir Archibald d’Hagenbach ? »

À ces mots, le jeune Philipson joignit les mains et les leva au ciel, comme un homme dont toute l’espérance est dans le ciel seul. Des pleurs s’échappèrent de ses yeux ; puis, serrant les poings, grinçant les dents, il tourna brusquement le dos au Suisse.

« Que signifie cette colère ? dit Rudolphe, où allez-vous maintenant ? — Secourir mon père, ou mourir avec lui, » répliqua Arthur, et il allait retourner à toutes jambes vers La Ferette, lorsqu’une main forte mais amicale l’arrêta.

« Donnez-moi le temps d’attacher ma jarretière, dit Sigismond Biederman, et je vais avec vous, roi Arthur. — Vous ? benêt ! s’écria Rudolphe, vous ?… et sans ordre ? — Mais voyez donc, cousin Rudolphe, » répliqua le jeune homme, continuant avec un grand calme à attacher sa jarretière, qui, d’après la mode du temps, était fort compliquée… « Vous êtes toujours à nous dire que nous sommes des Suisses, des hommes libres : quel avantage y a-t-il à être homme libre, si on n’a point la liberté de faire ce qu’on veut ? Vous êtes mon capitaine, voyez-vous, aussitôt qu’il me plaît, et pas plus long-temps. — Et pourquoi m’abandonneriez-vous, à présent, imbécile ? pourquoi déserter en ce moment plutôt qu’à tout autre moment de l’année ? — Voyez-vous, répliqua le soldat insoumis ; « j’ai chassé avec Arthur tout le mois dernier, et je l’aime… il ne m’a jamais appelé idiot ni imbécile, parce que les idées me viennent moins vite peut-être qu’aux autres. J’aime aussi son père… le vieillard m’a donné ce baudrier et ce cor qui valent, j’en réponds, plus d’un kreutzer ; il m’a dit encore de ne pas me décourager, attendu qu’il valait mieux penser juste que penser vite, et que j’avais assez de bon sens pour l’un, sinon pour l’autre ; et ce digne vieillard est maintenant dans la boucherie d’Hagenbach !… Mais nous le délivrerons, Arthur, si deux hommes le peuvent. Tu me verras combattre tant que cette lance d’acier tiendra à ce manche de frêne. »

En parlant ainsi il agitait en l’air son énorme pertuisane, qui tremblait dans sa main comme une baguette de saule. À coup sûr, s’il eût fallu assommer l’iniquité comme un bœuf, il n’y aurait eu personne, dans cette troupe choisie, plus capable d’accomplir cet