Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/207

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animaux bien connus d’Arthur, qui, durant tout le cours du voyage, avaient porté Anne de Geierstein et sa suivante. Tous deux étaient montés comme à l’ordinaire par des femmes, et du mieux qu’Arthur put voir, celle qui marchait la première avait le costume habituel d’Anne, depuis le manteau gris jusqu’à une petite plume de héron, que, dès son entrée en Allemagne, elle avait portée par déférence pour l’usage du pays, et comme insigne de son rang en sa qualité de fille noble. Cependant, si les yeux du pauvre jeune homme lui présentaient alors la réalité, que lui avaient-ils donc pu faire voir lorsqu’ils lui avaient montré (et une demi-heure s’était à peine écoulée depuis), dans le cachot souterrain de La Ferette, la même figure où ils se fixaient maintenant, dans des circonstances si différentes ? Le sentiment produit par cette pensée fut violent, mais ne dura qu’une seconde, comme l’éclair qui brille au milieu d’une nuit noire, et qui s’évanouit au même instant qu’on le voit ; ou plutôt, la surprise excitée en lui par ce merveilleux incident ne put demeurer dans son esprit qu’en s’alliant à son inquiétude pour la sûreté de son père, pensée qui dominait alors toutes les autres.

« S’il existe réellement, dit-il en lui-même, un esprit qui porte cette forme délicieuse, il doit être aussi bienveillant qu’aimable, et il étendra jusqu’à mon père, qui en est beaucoup plus digne, la protection que son fils a deux fois éprouvée. »

Mais avant qu’il pût poursuivre ce raisonnement plus loin, il avait rencontré le landamman et sa troupe. Sa présence et sa physionomie excitèrent parmi les envoyés la même surprise qui avait déjà été produite sur Rudolphe et sur l’avant-garde. Aux questions multipliées du landamman, il répliqua par un court récit de son emprisonnement et de son évasion, s’arrangea de manière que toute la gloire en revînt au prêtre noir de Saint-Paul, et ne laissa rien échapper sur l’apparition plus intéressante de la femme qui avait accompagné et secondé l’ecclésiastique dans sa charitable entreprise. Arthur garda encore le silence sur un autre point. Il ne jugea pas convenable de communiquer à Arnold Biederman le message que le prêtre avait, par son entremise, adressé à Rudolphe, à Rudolphe seul : qu’il dût en résulter du bien ou du mal, n’importe ; il regardait comme sacrée l’obligation de garder le silence que lui avait imposée un homme qui venait de lui rendre le plus important service.

Le landamman resta un moment muet de douleur et de surprise