Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/209

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Cet argument personnel serrait le landamman d’un peu près, car il n’y avait pas long-temps qu’il s’était complu à vanter la générosité du vieux Philipson, qui s’était volontairement exposé à un péril, plutôt que d’embarrasser leur négociation en restant dans leur compagnie ; et il ébranla complètement la fidélité de la Longue-Barbe, Nicolas Bonstetten, dont les yeux se portaient sans cesse de la figure de Zimmerman, qui exprimait une confiance triomphante dans son argument, à celle de son ami le landamman, qui était plus embarrassé que de coutume.

« Frères, » dit enfin Arnold avec assurance et chaleur, « j’ai commis une faute en m’enorgueillissant de la politique mondaine que je vous ai enseignée ce matin. Cet homme n’est pas de notre pays, sans doute, mais il est de notre sang… il est, comme nous, fait à l’image du Créateur commun… et d’autant plus digne d’être appelé notre semblable, qu’il est rempli d’honneur et d’intégrité. Nous ne pourrions, à moins de commettre un grave péché, laisser un tel homme dans le péril sans lui porter secours s’il se trouvait par accident au bord de notre chemin ; à plus forte raison ne devons-nous pas l’abandonner, si le péril a été encouru pour notre propre cause, et afin que nous pussions échapper au filet dans lequel il s’est pris lui-même. Ne perdez donc pas courage… Nous faisons la volonté de Dieu en secourant l’homme opprimé. Si nous y réussissons par des voies de douceur, comme je m’en flatte, nous aurons fait une bonne action à bon marché… sinon, Dieu est assez puissant pour faire triompher la cause de l’humanité par les mains d’un petit nombre, aussi bien que par celles d’une grande multitude. — Si telle est votre opinion, dit le banneret de Berne, personne ici ne se séparera de vous. Pour moi, je plaidais contre mes propres inclinations en vous conseillant d’éviter une rupture avec le Bourguignon. Mais, comme soldat, je dois dire que j’aimerais mieux combattre en plein champ la garnison, fût-elle deux fois encore plus nombreuse, qu’entreprendre de donner l’assaut à une ville si bien fortifiée. — Ah ! répondit le landamman, je souhaite sincèrement que nous puissions entrer dans La Ferette et en sortir sans dévier du caractère pacifique dont nous a investis la mission que nous a confiée la diète.